Gérard Larcher : « Nous ouvrons la porte à l’extrême droite si on trompe encore les Français sur l’immigration »
Gérard Larcher, président du Sénat, était présent aux « rencontres de Saint-Denis » avec le président de la République. Il l’appelle à saisir les mains tendues de la droite et le met en garde contre les risques de « l’impuissance politique ».
On ne badine pas avec la politique. Le président du Sénat, Gérard Larcher, se refuse à juger par avance l’initiative politique prise par Emmanuel Macron, qui a réuni mercredi tous les partis, afin de trouver des solutions pour le pays. Mais il le met solennellement en garde contre les risques de l’inaction et pose sur la table les propositions et des exigences de la droite sur la démocratie, l’immigration ou encore les finances publiques.
Vous étiez mercredi aux Rencontres de Saint-Denis avec Emmanuel Macron. Vous aussi, comme certains participants, vous dites, « tout ça pour ça » ?
Je trouve que cette démarche avec les partis politiques n’est pas inintéressante. Le problème est ce qu’il va en sortir. J ’espère qu’elle n’aura pas les mêmes résultats que le grand débat, la Convention citoyenne pour le climat ou le Conseil national de la refondation. Attention à ce qu’une nouvelle fois cela ne débouche sur rien. Ce sera l’épreuve de
vérité entre un exercice utile pour le pays et un exercice de communication du président de la République.
Mais vous pensez avoir des réponses concrètes de la part du chef de l’État ?
Je ne lui fais nul procès d’intention ! Maintenant, il y a une exigence de résultats. Le président veut-il faire la grande loi de décentralisation promise aux élus il y a un an ? Il a en sa possession le rapport fait par notre groupe de travail transpartisan au Sénat depuis le 7 juillet. Monsieur le président, sur ce sujet on vous tend la main loyalement. Allez-vous la saisir ? Le Sénat a mis en place un autre groupe de travail sur les institutions. Il rendra ses conclusions sur le fonctionnement de la démocratie, l’élection présidentielle ou le cumul des mandats avant Noël. Encore une main loyalement tendue, saisissez-la !
Il a été décidé d’organiser une conférence sociale sur les bas salaires. Est-ce que ça ne manque pas d’ambition ?
Est-ce un nouveau faux-semblant ou l’amorce d’un nouveau dialogue social ? Si ce n’est que de la gesticulation, on le paiera tous cher collectivement. Parce que les Français n’ont plus confiance en nous. Nous leur devons du sérieux.
À Saint-Denis, il a été question de politique migratoire. Êtes-vous favorable à l’élargissement de l’article 11 de la Constitution, qui permettrait d’en faire un sujet de référendum ?
Oui. Mais il faudra que cet élargissement soit bien cadré. Il fait partie des réflexions du groupe de travail sénatorial. Nous avons vu l’échec de la loi Collomb de 2018 et des vingt textes précédents. Nous avons impérativement besoin d’une politique migratoire efficace.
Une réforme constitutionnelle est-elle une condition sine qua non pour réussir en la matière ?
Oui. Sans réforme constitutionnelle, nous ne pourrons avancer, mais il est impossible que les demandes d’asile soient faites en dehors du territoire français, d’instaurer des quotas ou de modifier la gestion du regroupement familial.
Emmanuel Macron n’a-t-il pas définitivement enterré l’option du référendum en matière migratoire ?
Je ne crois pas, mais s’il l’enterre, il en assumera les conséquences. Sans réforme constitutionnelle, il n’y aura pas de politique migratoire réelle et donc aucune politique d’intégration réussie. On ouvre la porte à l’extrême droite si on trompe encore les Français sur ce sujet.
La France a connu des émeutes cet été. Le pays connaît aussi une rentrée difficile, avec une très forte inflation. Redoutez-vous une explosion sociale ?
Tout est possible. Il reste des facteurs d’explosion, notre devoir est de mieux les prévenir, de retrouver les fondamentaux en matière d’autorité…
Le budget va être examiné au Parlement cet automne. Avant l’été, vous aviez mis en garde l’exécutif sur un risque d’« accidentologie », laissant entendre que le gouvernement s’exposait à la censure. La droite pourrait-elle en déposer une ?
Le premier rendez-vous sera la loi de programmation des finances publiques. Le gouvernement doit proposer une trajectoire progressive de retour à l’équilibre. Faire des économies demande un peu de courage politique. En ce qui concerne la censure, les collègues députés décideront, mais continuer dans le déséquilibre financier serait désastreux. Il ne faut pas qu’Emmanuel Macron soit à nouveau le président de l’impuissance politique.
Vous vous représentez pour rester président du Sénat. Avec quelle ambition ?
Je crois profondément au rôle du bicamérisme. Le Sénat est la seule institution stable dans un contexte d’absence de majorité. Que deviendrait notre démocratie sans le verrou constitutionnel du Sénat et la représentation des territoires ?
Nicolas Sarkozy estime qu’il faut un seul candidat à droite pour rassembler, des « amis » de Macron jusqu’à ceux de Zemmour. Est-ce réalisable ?
Chacun devra, le moment venu, faire preuve de responsabilité. Le « en même temps » est un échec, la vie politique a besoin de clarté, il y a des grands écarts impossibles.
Est-ce que, pour vous, Laurent Wauquiez est toujours le candidat naturel de la droite de 2027 ?
Il a les qualités pour être notre candidat, d’autres le sont aussi. D’abord, rebâtissons un projet pour retrouver notre espace politique et la confiance des Français.
Dans notre sondage OpinionWay, il est loin derrière Édouard Philippe et devancé par Bruno Le Maire et Gérald Darmanin… Faudra-t-il s’entendre avec la droite macroniste ?
La droite macroniste n’existera plus lors de la présidentielle puisque Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter. Il se passera autre chose après.
Vous pourriez soutenir un candidat qui n’est pas issu des rangs de LR ?
On verra le moment venu selon l’intérêt du pays, le contexte politique et le projet présenté aux Français.
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