Valérie Pécresse : « Je me battrai pour la force de l’Europe comme pour la force de la France »
Défense des frontières, politique migratoire, Green Deal, création de champions industriels… Alors que la France s’apprête à prendre pour six mois la présidence du Conseil de l’Union européenne, la candidate Les Républicains à la présidentielle détaille, dans une tribune au « Monde », les grandes lignes de son projet.
Le 1er janvier, la France prendra la présidence du Conseil de l’Union européenne (UE) pour une période de six mois. Emmanuel Macron a refusé de modifier ce calendrier qui télescope la campagne de l’élection présidentielle, au risque d’affaiblir les intérêts de la France. A mon arrivée à l’Elysée, je profiterai de cette présidence pour dessiner avec tous nos partenaires une nouvelle exigence européenne.
Le Brexit a montré que, comme toutes les constructions humaines, l’UE était mortelle et qu’elle pouvait se dissoudre si elle ne savait plus répondre aux aspirations des peuples. La crise liée au Covid-19, la stratégie d’influence des grandes puissances (Etats-Unis, Chine, Russie), nous montrent, en parallèle, que sans l’Europe, nous ne parviendrons plus à peser sur les choix stratégiques du monde et que nous serons conduits au mieux à l’effacement, au pire à la domination.
Vingt-sept nations vivant ensemble, en paix. Vingt-sept peuples libres de circuler, vingt-sept jeunesses libres de se rencontrer et de s’aimer, sans barbelés. On ne dira jamais assez que l’Europe est une exception historique qui mérite d’être protégée. Mais une Euro
Refondre l’accord de Schengen
Face à tous ces défis, j’en appelle à un sursaut européen. Si nous persistons dans l’angélisme, si nous continuons à nous comporter comme le ventre mou de la mondialisation, nous tomberons dans les oubliettes de l’histoire. Il faut sortir de cette « Europe naïveté » pour construire avec nos partenaires une « Europe fierté ».
Cela passe d’abord par une Europe qui sait défendre ses frontières. Je proposerai la refonte de l’accord de Schengen et de la politique migratoire européenne en révisant la directive Retours [qui harmonise, depuis 2008, les règles d’expulsion des sans-papiers dans l’UE], en systématisant le contrôle biométrique de tous ceux qui souhaitent entrer sur notre territoire et en accélérant le recrutement des 10 000 gardes-frontières de Frontex [l’agence de surveillance des frontières de l’UE].
Je proposerai également qu’il soit mis fin aux élargissements de l’UE, notamment pour la Turquie, pour laquelle le processus est aujourd’hui uniquement suspendu. Les aides à la pré-adhésion (15 milliards d’euros) pourront ainsi être redéployées sur d’autres priorités européennes.
Enfin, parce qu’avec l’Afrique nos destins sont liés et que le développement économique est un meilleur rempart que les barrières face à la pression migratoire, je proposerai avec l’Allemagne d’amplifier un plan Marshall pour ce continent, adossé notamment aux entreprises européennes.
Poursuivre la politique du Green Deal
L’Europe doit aussi assumer sa puissance. Face à des empires qui ne servent que leurs intérêts, notre ADN doit être la protection des Européens en assumant sans complexe la préférence européenne dans les marchés publics et la réciprocité dans les échanges internationaux.
Il faut poursuivre et amplifier la politique du Green Deal (le pacte vert) et maintenir l’Europe à l’avant-garde de la lutte contre le réchauffement climatique. C’est la grande ambition de notre époque, l’Europe et la France doivent être aux avant-gardes !
Parce que nous sommes le continent le plus avancé en la matière, nous devons construire une barrière écologique à nos frontières en mettant en place une taxe carbone pour les produits importés. Nous devons capitaliser sur nos atouts, comme l’hydrogène ou le nucléaire – qui doit absolument être reconnu comme une activité économique durable pouvant bénéficier des « financements verts ».
Notre indépendance alimentaire et le soutien à nos agriculteurs ne peuvent plus passer au second plan et doivent redevenir un objectif prioritaire dans le cadre de la politique agricole commune.
Nous devons utiliser tous les leviers pour construire des champions industriels européens dans les secteurs d’avenir (véhicules du futur, énergies vertes, numérique et « cloud souverain », lanceurs spatiaux réutilisables, ordinateur quantique…), au lieu d’entraver nos fleurons par des règles anticoncurrence ou des normes qui conduisent à les fragiliser et à les faire racheter par les Américains ou les Chinois.
Parce que seule l’Europe peut résister à des gigantesques plates-formes numériques qui sont devenues plus puissantes que certains Etats, nous devons aller plus vite et plus loin face aux Gafam [Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft] et aux BATX [Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi]. Internet ne peut plus être le Far West !
Face à la prolifération de messages haineux sur les réseaux sociaux et de ventes de produits dangereux ou contrefaits sur les places de marché en ligne, l’UE doit contraindre les plates-formes – qui ne doivent plus être légalement considérées comme de simples hébergeurs de contenus – à coopérer avec les autorités judiciaires nationales.
Une Europe puissance, c’est aussi une Europe qui harmonise ses règles sociales pour éviter les effets de « dumping » entre pays membres qui déstructurent les peuples et fragilisent le projet européen.
Coordonner nos politiques de santé publique
Enfin, la crise sanitaire a montré combien, face aux pandémies, une force de protection civile et une politique de santé publique en matière de recherche et d’industrie du médicament, coordonnées au niveau européen, étaient nécessaires. Les vaccins sont sortis de cerveaux européens mais ont été produits par des industriels américains. Nous devons nous réapproprier ces savoir-faire.
De son côté, la France doit mieux défendre ses intérêts qu’elle ne l’a fait ces dernières années. Je défendrai ardemment les licences de nos pêcheurs menacés par l’attitude du gouvernement de Boris Johnson à la suite du Brexit. J’engagerai la renégociation des rabais financiers dont bénéficient encore certains Etats membres, alors que le départ du Royaume-Uni en a supprimé le fondement.
Les coopérations industrielles doivent, elles aussi, être mieux équilibrées. La France est le pays qui assume la plus grande part de la défense européenne. Il n’y a donc pas de raison que les projets d’avion ou de char de combat du futur ne profitent pas davantage à notre industrie et à nos emplois. Enfin, la France doit mieux défendre la singularité de ses principes républicains, comme la laïcité, en n’hésitant pas à invoquer son identité constitutionnelle face à l’empiétement des jurisprudences européennes.
Mais pour peser en Europe, la France doit en finir avec cette image d’arrogance qui lui colle à la peau depuis le début de la présidence Macron. On ne peut pas demander aux autres ce qu’on ne s’impose pas à soi-même. La voix d’Emmanuel Macron pèserait davantage si le président français n’attendait pas l’aumône de ses partenaires pour financer son plan de relance, plan qu’il est incapable de payer lui-même faute d’avoir mené les réformes indispensables à notre pays, comme celle des retraites. Et l’endettement européen n’est que le prélude à de nouvelles taxes européennes.
Je redonnerai de la crédibilité à notre voix en remettant notre pays sur les rails de la réforme avec le courage et la volonté de faire.
L’influence européenne ne se construit pas en donnant des leçons, mais en construisant des coalitions et en occupant tous les terrains. Chacun de mes grands ministres aura à ses côtés un secrétaire d’Etat chargé d’aller défendre les intérêts de son ministère à Bruxelles. Chaque haut fonctionnaire devra faire un passage par les institutions européennes. L’Europe doit être un lieu clé, pas un refuge pour des conseillers en disgrâce. Je commencerai ce travail dès les prochaines semaines, en me rendant dans plusieurs capitales européennes pour porter mes idées et écouter nos partenaires.
Notre Europe doit comprendre qu’elle défend une civilisation qui joue son destin dans un monde dangereux qui ne fera pas de cadeaux aux assoupis, ni aux candides. Je veux renforcer l’Europe, pas la fuir, comme certains. Je veux une préférence européenne, pas le repli national. Je me battrai pour la force de l’Europe comme pour la force de la France car on n’est respecté des autres que si l’on est fort chez soi.
La France en tête et l’Europe au premier rang, voici ma boussole. Il n’y aura pas de fierté française sans fierté européenne !
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