Valérie Pécresse : « Je ferai de la santé des femmes une grande cause »
La candidate Les Républicains a reçu quatre de lectrices du magazine Femme Actuelle à son QG parisien. L’occasion de détailler son programme et de se dévoiler davantage.
Noa : Vous voulez abaisser la majorité pénale à 16 ans… Dans quel but ?
Valérie Pécresse : C’est d’abord une mesure symbolique. Avec l’excuse de minorité, le jeune bénéficie d’une demi-peine. Or, dealer, trafiquer, agresser, harceler à 16 ans ne peut être impuni du seul fait de l’âge. Abaisser l’âge, c’est dire stop à l’impunité. Bien sûr, les mesures éducatives restent au coeur du dispositif : « tu casses, tu répares ». L’objectif global est bien de protéger ces jeunes, de prévenir la récidive, et – par les mesures éducatives – de leur faire prendre conscience de leurs actes.
Liliane : Comment rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs au quotidien ?
Dès cet été, dans un projet de loi, nous proposerons que les produits d’hygiène féminine et les couches soient considérés comme des produits de première nécessité et donc taxés à 2,2%. Pour les produits alimentaires déjà à 5,5%, il coûterait beaucoup trop cher de les passer à 2,2%. Je veux également redonner du pouvoir d’achat aux Français sur leur premier poste de dépenses, le logement. On va construire et rénover 500.000 logements par an (contre 360.000 actuellement). Et le prêt à taux zéro qui remplace l’apport initial deviendra disponible sur tout le territoire. La mesure sera applicable tout de suite.
Pauline : Les élèves passeront un examen avant l’entrée en 6e pour évaluer leur niveau. Cela risque de creuser les inégalités…
C’est exactement l’inverse ! C’est l’uniformité qui crée les inégalités. D’abord celle de ne pas maîtriser les bases : lire, écrire, compter. Il faut prévenir le décrochage. Il y aura donc plus d’heures de français et de mathématiques en primaire et un examen en fin de CM2. Les élèves qui ne le valideront pas passeront en 6ème et suivront des cours de consolidation pour se remettre à niveau, le temps nécessaire. Les enseignants volontaires pour les accompagner seront rémunérés au titre des heures supplémentaires.
Laurence : Comment améliorer l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap ?
Il est important, dans l’apprentissage de la vie, que nos enfants rencontrent la vulnérabilité. C’est très précieux pour eux d’être confrontés à la différence. Pour les enseignants, c’est très lourd à gérer, ils sont souvent démunis. Je veux que les AESH (accompagnants) aient un vrai statut, une vraie formation. Dès qu’on a deux enfants par classe en situation de handicap, ou avec des difficultés d’apprentissage (dys), je souhaite qu’il y ait un deuxième adulte dans la classe. Il faut proposer aux AESH des contrats sur cinq ans, voir également s’ils peuvent évoluer vers d’autres métiers (documentariste, enseignant..) en les accompagnant dans un vrai parcours de formation. Le fait actuellement que ces AESH aient des contrats de courte durée, sans perspectives, les démotive.
Liliane : Vous êtes opposée à la légalisation du cannabis. Maintenez-vous l’amende forfaitaire de 200 euros contre les consommateurs ?
Je conserve la mesure. Je veux protéger les jeunes. Si on légalise, je crains qu’il n’y ait plus de tabous, d’interdits. Et puis, les trafiquants mettront sur le marché du cannabis surdosé, encore plus toxique. Il faut empêcher la banalisation de la consommation de cannabis, développer la prévention en milieu scolaire et faire notamment témoigner les jeunes qui sont tombés dans la drogue. Cela a beaucoup d’impact auprès des élèves, davantage que l’amende forfaitaire. J’entends mener ce combat pour une jeunesse sans drogue.
Noa : Faut-il repousser le délai de l’IVG de 12 à 14 semaines ?
Je suis pour le libre choix des femmes. J’avais voté en 2014 le texte réaffirmant le droit à l’IVG comme un principe fondamental. Ce genre de loi, c’est une fuite en avant. Je n’y suis pas très favorable. Le vrai problème, c’est l’accès aux centres IVG dans le délai de 12 semaines, sur tout le territoire, pour toutes. Les moyens des centres seront accrus. On doit garantir cet accès et en faire une priorité de santé publique.
Laurence : Autoriserez-vous le suicide assisté, comme le réclament 88% des Français ?
C’est vraiment un choix très intime. La première responsabilité, c’est d’aider les Français à partir sans douleurs. La loi Clayes-Leonetti permet déjà la sédation profonde, mais elle n’est pas appliquée. Seuls 30% des personnes ont accès à des soins palliatifs. Le sujet, c’est la culture palliative pour tous, y compris, pour ceux qui le souhaitent, à domicile. J’ai personnellement des réticences sur le « suicide assisté ». Mais le référendum d’initiative citoyenne, inscrit dans la Constitution, peut être porté par les Français. Et si telle est leur volonté, je la respecterai.
Noa : Vous êtes contre la GPA. Mais qu’en est-il des enfants nés à l’étranger d’une mère porteuse ?
Cette question puise aussi au plus profond de mes convictions. Je ne veux pas d’une société du tout marchand ni que l’on paye pour utiliser le corps des femmes. C’est d’ailleurs une constante chez moi puisque j’avais voté pour la pénalisation des clients des prostituées, hommes ou femmes. Sur la question des enfants nés de mère porteuse, je revendique de dire que l’intérêt de l’enfant prime. Cela veut dire que le juge décidera au cas par cas [comme c’est actuellement le cas, ndlr.]. Ce n’est peut-être pas totalement cohérent, mais c’est une question d’humanité pour ces enfants. Le système actuel restera donc en l’état si je suis élue.
Laurence : La Ligue contre le Cancer demande la création d’un congé proche aidant pour les personnes qui s’occupent de malades du cancer. Que lui répondez-vous ?
Je souhaite que ce soit le cas pour les parents d’enfants atteints de cancer. Ce droit sera ouvert aux parents qui ont besoin d’être au chevet de leur enfant malade. Je veux faire des cancers pédiatriques une grande cause de santé publique de mon quinquennat, avec la santé des femmes et la santé mentale. On a fait beaucoup de progrès en terme de traitement des cancers de l’adulte mais hélas pas chez l’enfant. C’est d’ailleurs la première cause de mortalité.
Pauline : Vous voulez instaurer un congé parental aménageable entre les parents jusqu’aux 18 ans de l’enfant. Comment le rendre plus attractif pour les pères ?
Je ne peux pas donner un congé parental aux pères avec le maintien de salaire, c’est impossible. Je souhaite que cette mesure permette à davantage de pères de prendre ce congé durant six mois. Les pays qui pratiquent un maintien du salaire sont souvent ceux qui n’ont pas de crèche ni de maternelle. Or nous finançons les deux. Je préfère travailler sur les offres existantes. Je suis plus favorable à mettre le paquet sur l’accueil du jeune enfant, particulièrement dans les territoires ruraux où les services publics ne sont pas aussi nombreux que dans les grandes agglomérations.
Laurence : 2/3 des branches professionnelles proposent des salaires inférieurs au Smic. Obligerez-vous les entreprises à les augmenter et comment ?
Ce sera effectivement l’un des sujets au menu de la grande conférence sur les salaires que je mettrai en place dès mon élection. Il faut remonter les salaires, c’est une évidence. Je commencerai par une augmentation de 3% des salaires dès juillet en enlevant une part de cotisations retraites. Je veux que les entreprises, de leur côté, augmentent les salaires, davantage que l’inflation. Je pense qu’elles y sont prêtes. Pour quelqu’un qui perçoit 1.300 euros nets, ça lui permettra de gagner 500 euros nets supplémentaires sur l’année. Il y a effectivement des branches où les minima sociaux sont inférieurs au Smic. Ce n’est pas normal. Dans les faits, ces salariés sont payés au Smic mais le restent lorsqu’il y a des augmentations. Il n’y a pas de progression de leur salaire. Avec les entreprises, ce sera un donnant-donnant.
Pauline : Vous souhaitez repousser progressivement l’âge légal du départ à la retraite à 65 ans. Comment inciter les entreprises à garder leurs salariés dans cette tranche d’âge ou surtout à embaucher ?
Sans réforme, on ne parviendra pas à équilibrer les régimes. Je ne suis pas très inquiète concernant l’employabilité des seniors. On a remarqué qu’en reculant l’âge de départ, l’âge moyen des salariés augmentait également. Par ailleurs, pour améliorer le taux d’emploi des seniors, je veux libéraliser le cumul emploi-retraite. Ceux qui veulent travailler davantage doivent pouvoir le faire. Et pour ceux qui veulent retrouver un emploi après 50 ans, je souhaite qu’ils puissent devenir des formateurs, en centre de formation. Cela permettrait d’envisager des fins de carrière plus douces, de valoriser la transmission, les salariés pouvant être formateurs à mi-temps tout en restant en poste le reste du temps.
Liliane : Faut-il modifier le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs ?
Il faut faire attention à ne pas demander l’imprescriptibilité à chaque fois qu’on a une émotion sur un crime atroce. Donc, ça ne sera pas possible. En revanche, je pense qu’il y a un cas de figure sur lequel l’imprescriptibilité devrait être établi, c’est l’inceste. Ce n’est pas seulement un crime sur un mineur, mais c’est un crime sur un mineur commis par sa famille. Ce sont les crimes les plus difficiles à dénoncer. Si on dit à un jeune de 18 ans qu’il peut dénoncer un crime sexuel durant 30 ans, il le dénoncera. En revanche, pour l’inceste, l’imprescriptibilité se justifie.
Noa : Y a-t-il une manière féminine d’exercer le pouvoir ?
Le fait qu’une femme devienne présidente de la République doit faire la différence pour les femmes. Je veux m’occuper des victimes de violences – je créerai un parquet spécialisé – , des pensions de reversion de celles qui n’ont pas de carrière complète. Je veux faire de la santé des femmes une grande cause, en créant notamment des consultations mère-enfant. Je m’attaquerai aussi aux « Everest », ces postes de présidents qui n’ont jamais été fémininisés : conseil constitutionnel, conseil d’Etat, Assemblée nationale… Je veux qu’on escalade ces Everest.
Pauline : Ferez-vous rentrer Gisèle Halimi au Panthéon ?
Le Panthéon, ce n’est pas toutes les semaines… Il y a des femmes fantastiques dans l’histoire de France. Ce n’est pas l’alpha et l’omega de la reconnaissance. Il y a des dizaines de femmes qui mériteraient d’y entrer. Bien entendu, Gisèle Halimi est une personnalité fantastique. Dans le féminisme, d’autres femmes ont également porté le combat. Ce ne sera pas ma priorité.
Laurence: Qui sera votre Premier ministre ?
Je n’ai pas encore choisi ! Cela pourrait être une femme, je n’ai pas de tabou là-dessus. La campagne va permettre de révéler le profil dont nous aurons besoin pour gérer, à mes côtés, l’ensemble de l’équipe gouvernementale.
Liliane : Quel serait votre premier déplacement si vous êtes élue ?
Pour la Fondation Jacques Chirac sur le plateau de Millevaches. 7.000 Français, autistes, souffrant de handicaps lourds, doivent partir en Belgique car on ne dispose pas des structures pour les accueillir en France. La Fondation a créé des centres d’accueil pour eux. Ce lieu sera symbolique pour moi. Dans ma France, je veux que les plus vulnérables aient toute leur place.
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