Organiser la décroissance en Europe aboutirait à une catastrophe environnementale
Le Parlement européen discute actuellement d’une proposition de règlement pour la… « restauration de la nature ». Ce texte risque d’organiser une véritable décroissance, au profit d’autres modèles de production hors d’Europe beaucoup plus polluants, alertent plusieurs élus LR, dont François-Xavier Bellamy, Olivier Marleix, Bruno Retailleau, Éric Ciotti et Anne Sander.
our sauver l’environnement, suffit-il de contraindre toujours plus toute production en Europe ? Voilà la réalité de la question posée au Parlement européen à l’occasion d’un vote majeur sur une proposition de règlement pour la «restauration de la nature». Publié en juin 2022 par la Commission européenne, ce texte prévoit une série de nouvelles normes écologiques, avec pour ambition de reconstituer l’environnement aujourd’hui en danger. Il s’ajoute à une longue série de nouvelles normes votées dans le cadre du pacte vert européen: taxe carbone à l’entrée du marché intérieur, taxonomie sur les énergies, réglementation sur les émissions industrielles, normes de rénovation énergétique des bâtiments et sur la sortie du moteur thermique…
Après ces nombreux textes, la loi sur la restauration de la nature ajoute à l’inflation normative en cours de nouvelles contraintes qui toucheront tous les secteurs d’activité, organisant une véritable politique de décroissance en Europe. Cette stratégie nous semble absolument déraisonnable, alors que les crises récentes, liées au Covid ou à la guerre en Ukraine, auraient dû nous apprendre l’impérative nécessité de renouer au contraire avec la production dans nos pays des biens les plus stratégiques. Pour «restaurer» des espaces naturels, le texte fixe par exemple un objectif de 10 % de terres agricoles rendues non productives d’ici à 2030, doublé d’une exigence chiffrée pour la remise en eau de tourbières.
Les promoteurs du texte, au premier rang desquels Pascal Canfin, député macroniste et président de la commission de l’environnement, tentent de dissiper les inquiétudes en expliquant qu’il s’agit là d’une moyenne européenne, qui ne s’appliquera pas à chaque exploitation agricole ; reste que les États membres devront soumettre à Bruxelles un «plan de restauration» les engageant à cet effort de diminution des surfaces agricoles utiles. L’étude d’impact de la Commission européenne elle-même prévoit que cette loi aura pour conséquence, en même temps qu’un surcoût chiffré entre 600 et 900 millions d’euros pour le secteur agricole, sans aucune perspective de financement, une réduction de la production alimentaire en Europe.
Le même résultat vaut pour la pêche, qui se verrait interdire l’accès à des espaces maritimes, avec pour effet une nouvelle baisse d’activité. Après avoir mesuré ces derniers mois combien nos dépendances industrielles ou sécuritaires nous ont rendus vulnérables, organiser maintenant notre décroissance alimentaire est une folie. Depuis 2019, faiblesse inédite dans notre histoire récente, la France importe plus de produits agricoles qu’elle n’en exporte… Cela joue d’ailleurs déjà dans l’inflation des prix alimentaires qui pèse lourd sur tant de foyers. Le gouvernement français, qui soutient énergiquement ce texte, n’en tire-t-il aucune conséquence ?
Améliorer ce qui doit l’être
Ces contraintes sont d’autant plus surprenantes qu’elles viendraient se superposer à des exigences déjà en vigueur : la politique agricole commune (PAC) n’a cessé de porter l’effort sur la transition environnementale des exploitations. La politique commune des pêches (PCP) a permis, par les quotas et les contraintes qu’elle ajuste continuellement, de sortir la quasi-totalité des espèces de la surpêche qui menaçait la biodiversité. Plus de vingt textes concernent déjà la protection et la restauration des écosystèmes naturels : pourquoi ne pas améliorer ce qui doit l’être, plutôt que d’ajouter encore une couche de complexité au droit applicable, en lui surimposant de nouvelles normes et des concepts réglementaires inédits, parfois ambigus ou contradictoires ?
Ce ne sont là que des exemples. Bien d’autres domaines sont concernés par ce projet : la Commission européenne veut créer des normes pour le couvert arboré en ville, la part des forêts et la gestion de leur âge, la destruction de barrages sur 25.000 kilomètres de cours d’eau… Avec la logique que traduit la règle française du «zéro artificialisation nette», usine à gaz qui asphyxie en ce moment même toute perspective de réindustrialisation verte ou de construction de logements, elle enfreint manifestement le principe de subsidiarité: ce texte sera une nouvelle réglementation opposée demain aux maires et aux élus dans leurs projets d’aménagement ; imposant des contraintes uniformes au mépris de la diversité des besoins environnementaux de chaque territoire, il contribuera aussi à l’impuissance politique qui nourrit la crise démocratique actuelle.
Une autre voie
Mais plus grave encore : cette logique aboutirait à une nouvelle catastrophe environnementale. Non seulement parce que les nouvelles règles créées, presque toujours sans base scientifique, sont en réalité contreproductives – comme la diminution de l’entretien des forêts, emblématique du rêve rousseauiste d’un retour à la nature, mais dont l’expérience montre déjà combien elle favorise la propagation des incendies… Si cette multiplication de contraintes menace le climat, c’est d’abord parce qu’elle constitue un immense avantage compétitif offert à des modèles de production qui, hors de France ou d’Europe, sont les plus néfastes à sa préservation.
Lorsque nous aurons organisé la décroissance de notre production agricole, nous consommerons des aliments produits sur les autres continents avec des techniques et des intrants bannis de longue date en Europe pour leur dangerosité. La pêche en est un autre exemple : plus de 70 % des produits de la mer consommés dans nos pays sont importés. Aurons-nous sauvé la biodiversité quand nous aurons sacrifié, avec nos pêcheurs, le modèle de production le plus durable au monde, pour offrir encore plus d’espace à une pêche asiatique en pleine expansion, qui ne s’embarrasse pas de scrupules pour dévaster les fonds marins ?
Derrière la restauration de la nature, c’est son effondrement qui menace : avec le groupe PPE, nous choisissons aujourd’hui une autre voie. Certains voudraient n’y voir qu’une querelle politicienne : c’est en réalité d’un choix politique fondamental qu’il est question ici. L’idéologie soutenue par les Verts, la gauche et la majorité macroniste, par une myopie confondante, prétend qu’il suffit que nos pays sabordent leur économie, leur industrie, leur agriculture et leur modèle social, pour que la nature soit sauvée. Quant à nous, nous savons être devant une responsabilité globale, qui impose d’entraîner tous les producteurs mondiaux dans la décarbonation. Nous continuerons d’apporter des solutions, en rendant la taxe carbone aux frontières complète et efficiente, pour parvenir concrètement à cet objectif historique.
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