Gérard Larcher : « Nous ne nous priverons pas de déposer une motion de censure »
Gérard Larcher, le président du Sénat, assure que si un projet du gouvernement « apparaît de nature à toucher l’essentiel », les LR feront valoir ce droit constitutionnel.
Alors que le projet de budget de la Sécurité sociale arrive ce lundi au Sénat, son président (LR), Gérard Larcher, déplore que l’utilisation du 49.3 ait empêché la bonne tenue de débats sur le sujet. Les sénateurs comptent remettre la question de la réforme des retraites sur la table. Larcher n’exclut pas non plus, si les circonstances l’exigent, que la droite dépose sa propre motion de censure contre le gouvernement.
Regrettez-vous que le budget, comme le budget de la Sécurité sociale (PLFSS), soit passé par le 49.3, sans vote de l’Assemblée nationale ?
L’utilisation du 49.3 est un constat d’échec pour le gouvernement et une conséquence de l’échec du président de la République aux législatives. C’est un outil démocratique prévu par la Constitution, mais on n’a pas été au bout des débats, et je le regrette.
Le Sénat va-t-il tenter d’infléchir le budget et le PLFSS ?
Sur le PLFSS, comme sur le PLF (projet de loi de finances), notre logique est de refuser de faire peser nos déficits sur les générations futures. Parmi nos priorités, nous voulons nous atteler au sujet de la présence médicale sur le territoire, 80 % du pays est concerné. Nous avons déjà voté l’ajout d’une quatrième année d’internat dans les déserts médicaux. Nous souhaitons aussi un conventionnement différencié suivant les zones géographiques pour privilégier les zones sous-denses. Nous allons également porter le dossier de l’hôpital, qui est en grande souffrance. Avec le 49.3, les députés n’ont pas pu débattre de ces sujets.
Vous allez aussi aborder la question des retraites ?
Pour la quatrième année, nous allons présenter notre projet de réforme des retraites dans le PLFSS : report progressif de l’âge légal de 62 à 64 ans, accélération du processus Touraine (allongement de la durée de cotisation) et convergence des régimes spéciaux. Nous insisterons cette année sur la question du maintien dans l’emploi des seniors. Ce n’est pas une réforme facile, mais elle est indispensable.
Vous êtes peu ou prou sur la même ligne que le gouvernement…
C’est le gouvernement qui est venu sur notre ligne.
Bruno Retailleau, comme Olivier Marleix, n’exclut pas de déposer un jour une motion de censure. C’est du bluff ?
Pas du tout. Nous n’allions pas unir nos voix à celles de la Nupes et du RN. Ajouter une crise politique à une crise énergétique et financière n’est pas dans l’intérêt du pays. Mais si un jour un projet du gouvernement nous apparaît de nature à toucher à l’essentiel, nous ne nous priverons pas de notre droit à déposer une motion de censure.
Concernant la loi sur les énergies renouvelables, que le Sénat a votée vendredi, vous avez rétropédalé sur le droit de veto des maires, mis de l’eau dans votre vin sur les éoliennes en mer. Ce sont des cadeaux au gouvernement ?
Il n’y a ni cadeau ni rétropédalage mais une négociation entre les commissions et le gouvernement. C’est le propre d’une démocratie parlementaire, c’est toujours l’attitude du Sénat. L’objectif était de permettre aux maires de décider si leur commune est, oui ou non, en mesure de recevoir des projets d’énergies renouvelables, notamment d’éoliennes. L’objectif est atteint. L’Etat ne peut passer au-dessus des élus locaux sur des sujets aussi sensibles. Ce serait une fois de plus la gouvernance verticale que nous n’avons cessé de dénoncer depuis cinq ans.
Gérald Darmanin a employé le terme d’écoterrorisme pour qualifier les actes de certains militants écologistes. Reprenez-vous ce terme ?
Je me méfie de l’abus du mot « terrorisme ». Moi, j’y ai vu une écologie dénaturée et des délits, parce qu’il y a eu violation de la loi. Et les parlementaires présents à ce moment ne sont pas plus protégés que les citoyens : ils se sont associés à une manifestation interdite et violente. Ils doivent aussi rendre des comptes.
Gérald Darmanin a présenté les contours de la future loi Immigration, en s’appuyant sur le rapport d’un de vos sénateurs. Il va dans le bon sens ?
La politique migratoire est un échec, depuis au moins deux quinquennats. Il faut un texte de loi qui pose cette question : quelle politique migratoire pour la France? Pas un énième texte qui tente de faire plaisir aux uns et aux autres. On doit y évoquer les questions du regroupement familial, de l’asile et des obligations de quitter le territoire (OQTF).
L’idée de régulariser les travailleurs dans les métiers en tension n’est pas bonne ?
Cette mesure va entraîner des régularisations importantes et créer un appel d’air. Il y a encore 3 millions de chômeurs de catégorie A et le taux de chômage est quasi deux fois plus élevé chez les immigrés (13 %) que chez les Français (7 %). Il faut, par ailleurs, des quotas déterminés par le Parlement, avant l’entrée sur le territoire.
Certains à droite prédisent « l’éclatement » de LR, une fois son président élu. Vous pensez que c’est possible ?
Non. Je défends une ligne autonome et indépendante. Nous ne devons être les supplétifs ni de Mme Le Pen ni de M. Macron. La première responsabilité du futur président sera de rassembler, de définir un projet de manière collective et de retrouver la confiance des Français.
Est-ce que la droite ne se renie pas en refusant la main tendue d’Emmanuel Macron ? C’est ce que dit Nicolas Sarkozy…
J’ai une position différente. Si nous n’affirmons pas une ligne indépendante, nous disparaîtrons. Mais, sur un certain nombre de sujets, nous pouvons converger quand nous jugerons que c’est l’intérêt du pays.
Approuvez-vous les sanctions votées par l’Assemblée nationale (quinze jours d’exclusion, indemnité réduite pendant deux mois) à l’égard de Grégoire de Fournas, le député RN, qui a tenu des propos jugés racistes ?
Ses propos sont évidemment condamnables, et je les condamne. J’approuve les sanctions qui ont été prises. Mais je ne peux que regretter le spectacle consternant de ces débordements qui dénaturent le débat et font du mal à la démocratie parlementaire. Comment également accepter que des députés participent à des manifestations interdites ou entravent la circulation ? Il faut que chacun reprenne ses esprits et retrouve la dignité inhérente au mandat parlementaire.
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