Éric Ciotti : « Nous revenons dans les lieux de pouvoir pour reprendre le pouvoir »
Pour s’opposer à Emmanuel Macron, LR n’exclut « aucun outil institutionnel », dont la motion de censure. La droite réclame un « retour aux urnes », via le référendum.
Où en sont Les Républicains quant à l’idée d’une motion de censure évoquée en janvier ?
Nous avons toujours dit que, face à un sujet qui mettrait gravement en péril l’avenir de notre nation, nous n’excluons aucun outil institutionnel. Nous sommes toujours dans le même état d’esprit. Aujourd’hui, le gouvernement évite soigneusement le Parlement qui est devenu un studio de communication pour le président de la République. Mais en attendant, aucune délibération ne s’y déroule. Nous prendrons nos responsabilités en conscience, le moment venu.
Jugez-vous une dissolution inévitable ?
Il y a une déconnexion de plus en plus forte entre une immense majorité de Français et le pouvoir actuel, qui est minoritaire à l’Assemblée nationale. Quand la question de la légitimité démocratique de l’exécutif se pose, la seule réponse pertinente est le retour aux urnes, notamment par le biais du référendum comme nous le proposons avec le RIP sur l’accès aux prestations sociales des étrangers, sujet absent de la loi immigration.
Serez-vous présent jeudi à la réunion portant sur l’Ukraine à laquelle Emmanuel Macron convie les chefs de parti ?
Dans la mesure où elle porte sur un sujet particulièrement lourd de conséquences pour l’avenir de notre nation, je serai présent à cette réunion. À cette occasion, je dirai à Emmanuel Macron combien sa prise de position sur l’envoi de troupes au sol en Ukraine me paraît périlleuse. Cette position a conduit à un isolement total de la France sur la scène internationale. Elle me paraît irréfléchie et irresponsable. J’espère que derrière cela, il n’y a pas la seule volonté de jouer avec les peurs, comme cela fut le cas pendant la non-campagne présidentielle. Derrière chaque décision d’Emmanuel Macron se trouve désormais un artifice de communication. Mais je crois qu’on ne peut pas jouer avec l’avenir de notre nation et des Français sur un sujet aussi grave.
Laurent Wauquiez parle de « faute »…
C’est bien entendu une faute et c’est même sans doute plus grave si l’on considère qu’il y a des arrière-pensées de politique politicienne à la veille des élections européennes. On voit bien le scénario de duel artificiel que veut installer M. Macron : d’un côté, le RN dépeint comme incarnant le « camp Poutine », et de l’autre, le camp Macron incarnant la liberté. Cette approche est caricaturale, grossière et insupportable.
En tant que chef des armées, Emmanuel Macron n’a-t-il pas une légitimité pour impulser un engagement des alliés face à la Russie ?
Pour cela, il faudrait une vraie crédibilité. Or sa situation au sein des institutions européennes comme son bilan français lui ôtent toute légitimité… Sur des sujets aussi graves, lorsqu’on s’attaque à la seconde puissance nucléaire du monde, je pense que l’on doit peser chaque déclaration au trébuchet de l’intérêt national.
Après l’IVG, les autres initiatives constitutionnelles du chef de l’État (nouvel acte de décentralisation, statuts de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie, suppression du droit du sol à Mayotte) marquent-elles une volonté d’agir ?
S’agissant de l’IVG, c’est, là encore, très clairement une stratégie de communication qui visait à piéger les oppositions. Nous y avons répondu de la meilleure manière en étant conformes et fidèles à notre histoire. Je n’oublie pas que la famille que j’ai l’honneur de présider est celle de Simone Veil et de Lucien Neuwirth. Nous concernant, chacun a voté en conscience. Depuis des années, j’ai toujours fait part de mon attachement à porter le plus haut possible la défense du droit des femmes et la liberté sur ces questions sociétales. Si je ne détecte aujourd’hui aucune menace concernant le droit à l’IVG en France, je soutiens tout ce qui va dans le sens d’une plus grande protection. J’ai donc voté pour à l’Assemblée comme au Congrès. Quant à la Nouvelle-Calédonie, il y a urgence à réformer la composition du corps électoral. Une réforme constitutionnelle s’impose donc. Sur la Corse, si par principe je ne suis pas hostile à un statut d’autonomie, je reste très vigilant quant au contenu du texte qui nous sera présenté et qui, en aucun cas, ne doit s’assimiler à un démembrement de la République. Je suis ainsi totalement opposé à la création d’un pouvoir législatif conféré à la collectivité territoriale de Corse.
En choisissant de réformer l’AME par voie réglementaire avant l’été, plutôt que par la loi, Gabriel Attal trahit-il la promesse d’Élisabeth Borne à LR ?
Très clairement, le passage par voie réglementaire ne suffira pas à corriger les défauts de l’AME. L’AME installe une insupportable injustice entre les Français, qui n’ont pas accès aux prestations médicales prises en charge à 100%, et les étrangers qui ont violé la loi de la République et bénéficient d’un accès totalement gratuit aux soins. Il y a donc une trahison de la parole donnée dans le courrier adressé par Élisabeth Borne à Gérard Larcher. Alors que l’on nous dit que ce gouvernement est de droite, il faut que les Français mesurent son absence de courage à faire bouger les lignes sur un sujet aussi important. Ce, du fait de la pression de la gauche et de l’extrême gauche de la majorité.
Nouvelle loi EGalim, texte sur la fin de vie… Comment le groupe LR compte-t-il aborder l’agenda parlementaire ?
Encore faut-il qu’il y en ait, des textes. On voit le chef de l’État et le premier ministre théoriser l’absence du Parlement dans les grands choix. Nous aborderons toujours les textes dans un esprit pragmatique pour apporter les meilleures réponses à la crise très grave que connaît le pays aujourd’hui.
Le duo Bellamy-Imart semble bien fonctionner mais les sondages sur les européennes ne décollent pas encore…
Le tandem fonctionne très bien et installe une parfaite complémentarité. Je suis convaincu que notre liste est la seule à apporter des réponses conciliant notre attachement à l’idéal européen et à la défense des intérêts de la France en Europe, là où M. Macron les a trop souvent sacrifiés. Nous sommes européens mais nous nous installons contre la dérive technocratique des institutions européennes.
Au Parlement européen, Les Républicains sont membres du PPE mais ils s’opposent à la réélection d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission. Pourquoi ?
Mme Von der Leyen est la candidate d’Emmanuel Macron, pas celle de la droite républicaine. Nous récusons sa politique technocratique autant que sa vision fédéraliste de l’Europe. Depuis son élection, elle a affaibli le projet européen. C’est pour cela qu’à ma demande Les Républicains voteront contre la candidature de Mme Von der Leyen à sa réélection.
Une sanction s’impose-t-elle contre le député LR Alexandre Vincendet ? Selon Le Parisien, le bureau du groupe doit discuter aujourd’hui du sort de ce proche d’Édouard Philippe…
J’ai toujours dit qu’on ne pouvait pas être à la fois à l’extérieur et à l’intérieur du parti. Chez nous, il ne peut pas y avoir de double appartenance. Alexandre Vincendet joue depuis trop longtemps une forme d’ambiguïté. Il faut qu’il décide une bonne fois pour toutes où il se trouve. Sinon, nous allons le faire pour lui.
Vous inaugurerez bientôt le nouveau siège des LR, situé juste en face de l’Assemblée. Quel est le message ?
Nous revenons dans les lieux de pouvoir pour reprendre le pouvoir. C’est l’objectif que je me suis fixé en étant élu à la tête des LR. Nous devons retrouver la première place et enrayer la spirale des défaites.
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