Éric Ciotti : « La droite doit prendre tous les risques »
Le président des Républicains veut poser ces « états généraux de la droite pour la France » comme la première pierre d’une indispensable reconstruction.
Quel message voulez-vous faire passer avec ces premiers « états généraux de la droite » ?
La droite est de retour ! Je veux que ces états généraux portent un message d’espérance pour notre famille politique, pour la droite républicaine et, bien au-delà, pour la France. Nous devons tourner la page d’une longue série d’échecs et porter le socle du redressement. Depuis quelques semaines, les briques de la reconstruction sont posées sur des fondations inscrites dans notre histoire. Ces états généraux doivent porter un souffle nouveau.
Pourquoi Laurent Wauquiez n’est-il pas présent samedi ?
La première étape régionale des états généraux se fera chez lui, en Haute-Loire, dans quelques jours. Nous sommes en phase sur les objectifs. Laurent Wauquiez décide de sa stratégie mais celle-ci s’inscrit pleinement dans une volonté d’unité et de rassemblement.
L’absence de certains candidats potentiels à la présidentielle, comme Laurent Wauquiez et David Lisnard, n’annonce-t-elle pas des difficultés à venir sur l’unité LR ?
Aujourd’hui bien malin qui peut dire qui sera réellement candidat à la présidentielle ? Nous n’attendrons pas cela pour reconstruire. Nous serons rassemblés avec Gérard Larcher, les trois présidents de groupes parlementaires, Olivier Marleix, Bruno Retailleau et François-Xavier Bellamy, nos militants et nos cadres. Ce rassemblement ne doit pas ressembler à une énième réunion ponctuée par une litanie de discours que personne n’écoute. Nous ferons un état des lieux de nos faiblesses, sans tabous, et nous déposerons les balises qui doivent guider notre chemin vers l’Elysée en 2027. J’ai fait un serment devant les militants : Les Républicains restaureront la place qu’ils n’auraient jamais dû quitter c’est-à-dire la première. Plus que jamais, je suis convaincu que nous réussirons.
Quels sont les temps forts de ce rassemblement ?
Nous débattrons avec des personnalités extérieures. Samedi marque le début d’une longue aventure qui mobilisera au-delà de nos cadres et de nos militants jusqu’au début de l’année 2024. Nous aurons la présence de Dominique Reynié, Olivier Babeau, Eric Naulleau, Chloé Morin, Mathieu Bock Coté… Nous dévoilerons une plateforme « FrançaisesFrançais.org » destinée à recueillir l’assentiment de l’ensemble de nos concitoyens sur des sujets majeurs. Je veux que nous parvenions à affirmer une droite des idées : la baisse des impôts, la droite de la feuille de paie et de l’augmentation des salaires. Mais je veux aussi fixer un objectif nouveau, inédit et majeur : l’augmentation de l’espérance de vie. Elle ne progresse plus, il y un déséquilibre de deux ans entre la ville et les zones rurales. Et derrière ce sujet se cachent des problématiques majeures de santé, de prise en charge de nos aînés, d’inégalités entre les territoires. Enfin, si tout le monde s’accorde sur les défis climatiques, évitons de tomber dans un retour en arrière sur nos libertés. ZFE, ZAN, DPE… Ces acronymes marquent une atteinte majeure à nos droits individuels et un retour inédit sur la décentralisation. Ces mesures conçues par des bobos déconnectés préparent un mouvement des gilets jaunes puissance dix.
Après les divisions lors des débats parlementaires sur les retraites, ces états généraux doivent-ils définir une bonne fois pour toutes la ligne idéologique de votre parti ?
Sur les retraites, il n’y a pas eu de clivages idéologiques au sein de notre famille politique mais des différences personnelles et de positionnement vis-à-vis du pouvoir actuel. Tout le monde s’accordait néanmoins pour dire qu’il y avait la nécessité de réformer le système des retraites. Sur d’autres sujets, comme l’immigration, il y a une unité totale. Sur ce point, j’ai l’impression que nous avons progressé. Hier, on m’interrogeait sur nos divisions, aujourd’hui on débat sur nos propositions. Sur tous les sujets, nous sommes en train de construire une méthode de travail nouvelle. Je suis confiant.
Comment résoudrez-vous la question du mode de désignation de votre candidat à la présidentielle ?
Pour ma part, j’ai affirmé ma position dès mon élection mais je ne veux pas que ces états généraux soient perturbés par ces débats qui arriveront le moment venu, dans la sérénité. En revanche, j’ai été élu sur l’idée d’une fin des primaires qui, par deux fois, nous ont conduits à l’échec. Sachons en tirer les conséquences avec lucidité. Mais il est évident que le choix du candidat doit correspondre à une évidence partagée, sinon à l’unanimité, au moins par une écrasante majorité. Cela ne peut pas être un coup de force ni une contrainte. Ce n’est pas la procédure qui fera la candidature mais la qualité de la candidature qui s’imposera naturellement.
Que pouvez-vous dire concernant la constitution du nouveau bureau politique LR, samedi ?
Ce bureau reflètera et comprendra l’ensemble des sensibilités de note famille politique. Toutes les grandes personnalités de notre mouvement y figureront et y seront représentées.
Pourquoi les électeurs, que vous n’avez pas réussi à convaincre lors de la dernière élection présidentielle, devraient-ils croire en votre capacité à diriger le pays ?
C’est le premier défi pour nous. C’est pourquoi, lors de nos états généraux, nous écouterons des électeurs qui sont partis. Tout l’enjeu est là : nous devons retrouver de la crédibilité. Jamais le pays n’a été autant à droite et pourtant, nous avons quitté le pouvoir il y a plus de onze ans ! Mais depuis nos propositions sur l’immigration, je sens un frémissement. Certains se disent que la droite n’est finalement pas morte. C’est le chemin qu’il faut suivre : rompre avec les tabous. La droite doit prendre tous les risques, dépasser l’immobilisme de la majorité actuelle, sortir des slogans simplistes et inapplicables des extrêmes.
Croyez-vous-en un remaniement avant le 14 juillet ?
Ce n’est pas notre sujet. Je n’ai aucun conseil à donner à l’exécutif, empêtré dans une situation très difficile.
Olivier Marleix, sur l’immigration, et Gérard Larcher, sur le budget, ont chacun fait planer la menace d’une motion de censure LR en cas de passage en force. Le temps est donc venu pour la droite de faire pression sur l’exécutif ?
Il ne s’agit pas de pressions mais simplement de cohérence de notre part. Nous n’accepterons pas l’inacceptable alors que notre pays est menacé par une immigration de masse source de communautarisme. Nous le voyons avec les atteintes à la laïcité à l’école par les islamistes, très récemment dans ma ville de Nice. Mais aussi une immigration source de délinquance puisque 25% des places de prison sont occupées par des étrangers. Il est temps de dire stop et de couper le robinet d’eau tiède.
L’exécutif doit-il assumer un virage à droite, ainsi que le poussent certains de votre famille politique dont Nicolas Sarkozy ?
Je n’ajouterai pas un commentaire à des commentaires. Mais j’affirme que le « en même temps » n’a apporté rien de bon à notre pays. C’est pourquoi nous proposons d’en sortir avec une vraie politique de droite, lors de la prochaine élection présidentielle. Je ne suis pas convaincu que d’ici là, se passeront des choses décisives pour notre pays. Nous avions demandé par écrit à être reçus par Emmanuel Macron sur un sujet d’urgence vitale qu’est l’immigration. Je note avec regret qu’il ne nous a pas répondu ni a accepté de nous recevoir sur le sujet de l’immigration. Renvoyant une éventuelle rencontre pour parler des institutions, avec les amis de M. Mélenchon et avec Mme Le Pen. Je crois que le message est clair.
Le parti présidentiel Renaissance doit plancher sur l’idée d’un rapprochement avec la droite le 21 juin. Que leur dites-vous ?
Cette démarche est assez ridicule, aussi bien sur la forme que sur le fond.
Moi, je veux m’adresser à ceux qui nous ont quittés. Emmanuel Macron ne sera plus candidat en 2027. Ses électeurs vont être à la recherche d’un nouveau leader. Nous n’arriverons pas à les convaincre par le biais de petites combinaisons. J’ai bien lu les propositions d’Edouard Philippe sur l’immigration qui propose de faire l’inverse de ce qu’il a fait à Matignon. Je l’ai entendu parler de l’AME… De notre côté, nous débattions d’une résolution des Républicains portée par Véronique Louwagie proposant de supprimer les dérives insupportables de cette Aide Médicale d’Etat qui coûte 2 milliards d’euros. Non sans surprise, j’ai constaté que les députés Horizons s’étaient opposés à cette résolution. Nous aurons ce même débat avec notre résolution sur la suppression des accords de 1968 avec l’Algérie. Notre résolution a été déposée cette semaine à l’Assemblée et au Sénat pour dénoncer ces accords alors que l’Algérie multiplie les provocations vis-à-vis de la France. Quand certains parlent, d’autres agissent.
Quand François Bayrou s’oppose à un tel virage, entendez-vous cela comme une menace adressée au président de la République ?
Moi, je suis dans l’opposition et pas dans la majorité. J’observe avec amusement la compétition qui s’ouvre dans la majorité pour l’après Macron. Elle ne nous concerne pas.
Dans Le Figaro, Elisabeth Borne a souligné votre absence de signaux en faveur d’une coalition. Que lui répondez-vous ?
D’éviter de donner des leçons à une droite qui assume ses responsabilités. Je rappelle que si nous n’avions pas été au rendez-vous de la cohérence et de la responsabilité, il n’y aurait pas eu de réforme des retraites. Le reste n’est que posture. Nous aurons la même position sur la dérive de nos finances publiques, sur le chaos migratoire. Libre au gouvernement de venir sur ce terrain. Nous posons les sujets au grand jour. Ils sont vitaux pour sortir la France de l’urgence absolue dans laquelle elle se trouve. Pour parler à la droite, il ne suffit d’aller dans les colonnes du Figaro même si cela est une bonne chose. Il faut surtout avoir le courage d’appliquer une politique utile pour le pays.
Quand la première ministre évoque des adaptations possibles sur l’une de vos lignes rouges, la régularisation des étrangers pour les métiers en tension, que lui répondez-vous ?
Il n’y a pas d’adaptation ou accommodement possible, juste la suppression de cette mesure qui est l’inverse de ce qu’il faut faire. Notre politique migratoire est la plus généreuse d’Europe. Il faut adresser un message à ceux qui veulent venir en France : ce n’est pas dans notre pays qu’ils trouveront l’El Dorado le plus favorable. Arrêtons avec ces appels d’air. Près de 5 millions de Français sont inscrits à Pôle Emploi. Travaillons d’arrache-pied pour les orienter vers ces métiers en tensions plutôt que d’imaginer une main d’œuvre bon marché d’origine irrégulière.
Mais que dites-vous aux entreprises concernées qui sont en attente de solutions urgentes ?
Que les métiers en tension relèvent d’une vraie politique de l’emploi et des rémunérations. Cela n’est en aucun cas un problème migratoire. Adresser ce message de régularisation est irresponsable et dangereux.
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