Emmanuelle Mignon : « L’alternance dans le macronisme, cela n’existe pas »
L’ex-directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy à l’Élysée, qui avait supervisé la campagne de 2007, se met au service des Républicains d’Éric Ciotti en vue de 2027.
Pour Éric Ciotti, elle est le symbole du projet qui a fait gagner la droite en 2007. Le président des LR vante son « énergie » , son « caractère » et son rôle « essentiel » dans la campagne qui permit l’accession au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Chargée des idées, elle a carte blanche et sa nomination, aux yeux du patron de LR, est un signe de « confiance en l’avenir » . Cette nouvelle mission s’inscrit dans le prolongement des outils déjà lancés par Éric Ciotti : shadow cabinet, média interne, états généraux et académie de formation. Sans compter l’inauguration, le 1er février, du nouveau siège des Républicains situé face à l’Assemblée nationale.
Éric Ciotti vous nomme vice-présidente en charge du projet et responsable de la direction des études LR. Pourquoi avez-vous accepté cette mission ?
C’est une initiative d’Éric Ciotti à laquelle je ne m’attendais pas. Malgré les difficultés du temps présent, les partis de gouvernement que sont LR et le PS doivent reconstruire une offre politique qui leur permette de fédérer à nouveau leur électorat naturel avec celui qui est tenté par les extrêmes. Éric Ciotti me fait l’honneur de contribuer à cette reconstruction d’intérêt public, je n’allais pas me défausser. Emmanuel Macron a fait beaucoup de choses conformes à mes valeurs et à celles des Républicains, mais je lui fais un reproche : celui de surfer sur la crainte des extrêmes. On ne peut pas tenir longtemps avec une France divisée en trois pôles : un pôle central de gens qui se disent et se pensent « raisonnables », une espèce de camp du « bien », contre deux pôles populistes diabolisés comme les camps du « mal ». C’est une situation délétère qui détruit la cohésion sociale, déjà bien fragilisée. Et puis je crois à l’alternance : l’alternance dans le macronisme, par construction cela n’existe pas !
Après l’ère du « en même temps », vous croyez donc au retour du clivage gauche-droite ?
En deux cents ans de vie politique, rien ne s’est structuré autrement qu’entre la gauche et la droite, même si les clivages bougent. À droite, nous avons des valeurs dans lesquelles beaucoup de Français continuent de se reconnaître : le travail, le mérite, la propriété, la liberté, la responsabilité ou encore le progrès. À nous de construire le projet politique qui rend ces valeurs vivantes et pertinentes dans la France du XXIe siècle.
Quel est votre plan pour bâtir le projet de la droite ?
On ne va pas refaire ce que l’on a fait pour 2007, mais on peut conserver la méthode : beaucoup de travail, une équipe solide et l’absence de réticence à remettre en cause les dogmes. La bonne surprise, c’est le think-tank La France demain déjà créé par Guillaume Larrivé et qui réunit un bon groupe de personnalités prêtes à s’investir. Nous avons également du temps, comme en 2007, et mon expérience de l’Élysée me permettra aussi de réfléchir à la mise en œuvre, qui n’est pas une mince affaire. Par ailleurs, nous ne sommes pas une écurie présidentielle. Cela nous donne beaucoup plus de liberté pour lancer des idées, les tester, les approfondir ou les abandonner.
Dans quel état la droite est-elle aujourd’hui, selon vous ?
Desserrer la mâchoire entre le RN et le centre macroniste est difficile. Mais il faut relativiser cette situation qui repose en grande partie sur un accident, celui de l’élection de 2017 qui nous était en principe acquise.
Que pensez-vous de l’union des droites ?
Si cela veut dire s’allier avec le RN, il m’appartient de contribuer à proposer autre chose.
Comment observez-vous Laurent Wauquiez ?
Ce n’est pas mon sujet pour l’instant. C’est une bonne chose que Laurent Wauquiez ait engagé son dialogue avec les Français, mais je suis là aujourd’hui pour Les Républicains dans la situation qui est la leur actuellement.
Mais la droite n’a-t-elle pas besoin d’un leader pour porter un projet ?
En 2007, nous avions l’incarnation et il est vraisemblable que, même sans projet, Nicolas Sarkozy aurait été élu. Néanmoins, je ne pense pas qu’il aurait fait 32% des voix au 1er tour, ni suscité une telle espérance sans un programme solide. J’observe aussi qu’indépendamment de son élection de 2007, le programme a structuré le débat politique bien au-delà de son quinquennat. Les propositions que nous avions formulées, par exemple, sur le travail ont été poursuivies par François Hollande puis par Emmanuel Macron. Donc même sans incarnation, un programme est utile !
Avez-vous été tentée de rejoindre Emmanuel Macron ?
Pour avoir discuté avec certains de ceux qui l’ont fait en 2017, je comprends qu’ils y aient vu l’opportunité de faire des réformes attendues depuis longtemps. Personnellement, j’aurais eu du mal à me départir de la loyauté.
Comment jugez-vous le travail parlementaire des Républicains sur le projet de loi immigration ?
LR a fait un travail important de réflexion sur le sujet et de conviction au sein du parti. Il est arrivé à la conclusion que nous sommes parvenus au bout d’un système qu’on ne cesse de rafistoler depuis vingt-cinq ans. Il faut donc changer en profondeur le cadre de l’action publique sur le sujet et, pour bien le connaître, je pense qu’ils ont raison.
Et concernant les textes budgétaires, comment jugez-vous l’état des finances de la France ?
La situation est évidemment catastrophique et le mur de la dette se rapproche. Mais le plus problématique est le poids des prélèvements obligatoires où nous détenons le record européen et qui nous empêche concrètement de retrouver des marges de manœuvre économiques.
Quelles sont les urgences dans le pays ?
Le désintérêt dans la chose politique, l’angoisse écologique sous toutes ses formes, depuis la question de la répartition de l’effort jusqu’à la perspective du totalitarisme vert, la situation dégradée des services publics en particulier la santé, et bien sûr, la question migratoire.
Que retenez-vous de votre expérience politique aux côtés de Nicolas Sarkozy ?
J’ai vécu trois choses avec Nicolas Sarkozy qui sont autant d’expériences utiles : l’aventure fantastique de sa montée en puissance, la préparation de son projet et l’élection de 2007 avec sa créativité, son audace, son énergie ; l’expérience du pouvoir ensuite et les difficultés de son exercice. Et puis, j’ai vécu 2012 avec un candidat qui n’avait préparé aucun projet et qui restera pour moi un mystère. Je me suis demandé s’il avait vraiment envie d’être réélu.
Quelle leçon retenez-vous de l’affaire des sondages de l’Élysée pour laquelle vous avez été condamnée ?
Cela a été très douloureux. J’ai fait une erreur involontaire : il n’y a que ceux qui ne font rien auxquels cela n’arrive pas. Mais j’ai toujours refusé de me plaindre. J’ai eu la chance d’avoir d’importantes responsabilités, il était normal que j’en réponde.
Dernière question à une passionnée de montagne : vue de la droite, la présidentielle c’est plutôt le mont Mézenc ou l’Everest ?
Un peu les deux. L’Everest, c’est très fréquenté. Le mont Mézenc, ça souffle beaucoup.
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