Discours de Damien Abad lors du débat suite à la déclaration du Gouvernement relative à la décision de la Russie de faire la guerre à l’Ukraine
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mes chers collègues,
En prenant la décision unilatérale d’envahir l’Ukraine, Vladimir Poutine vient d’engager le continent européen dans une ère d’incertitudes et de briser la paix, la prospérité, la stabilité et la sécurité en Europe.
Certes, que ce soit en ex-Yougoslavie, en Géorgie, au Donbass, ou dans le Haut-Karabach, les signes avant-coureurs étaient là.
Désormais c’est la guerre qui est de retour en Europe avec le déploiement de chars, d’avions de combat, de forces au sol et de troupes fanatisées venues de Tchétchénie.
Bien évidemment, toutes nos pensées sont d’abord tournées vers le peuple ukrainien, qui fait preuve d’un courage, d’une résilience et d’une dignité qui forcent notre admiration.
Je pense aussi à nos compatriotes français qui vivent en Ukraine, qui sont parfois bloqués, dans la peur et l’attente, dans l’angoisse des bombardements russes.
Vladimir Poutine prend sans cesse le prétexte de l’Histoire pour justifier son action en Ukraine. Mais nous aussi nous connaissons l’Histoire ! Nous aussi nous connaissons le prix du sang et nous savons ce qu’il en coûte d’abandonner les peuples !
Voilà pourquoi nous n’abandonnerons pas le peuple ukrainien. Nous sommes à leurs côtés. Comme nous avons toujours été aux côtés des peuples opprimés.
En ayant une seule obsession : la paix maintenant, la paix toujours et la paix ensemble.
La France, puissance d’équilibre, pays des Droits de l’Homme, « soldat de l’idéal », doit avoir une place singulière pour parvenir à cet objectif de paix et de stabilité en Europe.
Ce fut le cas avec Nicolas Sarkozy lorsqu’il parvient à mettre fin au conflit entre la Géorgie et la Russie. Son leadership, son autorité, son sang-froid et son sens de la négociation ont permis de préserver la paix en Europe. Ce sont ces mêmes qualités dont nous avons besoin aujourd’hui en France et en Europe pour sortir de cette impasse ukrainienne.
On ne négocie pas la paix sur l’émotion ou en jetant de l’huile sur le feu par des propos « va-t’en guerre ». On négocie la paix que de manière collective et concertée, en offrant à ses interlocuteurs une porte de sortie claire et acceptable par tous.
Notre seul objectif doit être le retour de la paix.
Ce n’est pas une chose facile tant nos institutions multilatérales sont vieillissantes et trop peu efficaces. La France doit prendre des initiatives pour bâtir le nouveau multilatéralisme du XXIème siècle.
Ce n’est pas une chose facile tant nos démocraties sont bien souvent bousculées et défiées par ces régimes autoritaires où le pouvoir est entre les mains d’un seul homme. Certains, y compris parmi les candidats à l’élection présidentielle française, ressentent même une sorte de fascination à l’égard de ces régimes.
Et bien je vous le dis, qu’ils soient russe, turc, chinois, cubain ou vénézuélien, je n’ai aucune fascination à l’égard de ces régimes autoritaires. Le seul régime qui me fascine, c’est la démocratie, son idéal de liberté, d’égalité et de respect des droits de l’Homme.
Alors oui j’accuse M. Zemmour, Mme Le Pen et M. Mélenchon d’avoir entretenu une fascination malsaine pour le modèle de Poutine, je les accuse d’avoir eu un comportement plus qu’ambigu à l’égard du pouvoir russe, et je les accuse de compromissions qui jettent un discrédit irréversible sur leur capacité à diriger notre pays.
Et je leur pose une question simple : qu’auraient-ils voté au Conseil de sécurité samedi dernier ? Se seraient-ils abstenus comme la Chine ou auraient-ils voté comme leurs députés européens du Rassemblement national et de Reconquête qui ont voté contre l’aide économique en faveur de l’Ukraine au Parlement européen ?
Quand on est candidat à l’élection présidentielle, on défend la démocratie et on se lève contre les autocrates !!
Quand on est candidat à l’élection présidentielle, on est libre et indépendant de toute ingérence financière étrangère !!
Quand on est candidat à l’élection présidentielle, on n’a pas vocation à faire de la France un pays aligné sur les intérêts russes !!
Quand on est candidat à l’élection présidentielle, on n’admire pas le patriotisme russe de Vladimir Poutine, mais on condamne sans réserve l’impérialisme russe en Crimée comme en Ukraine !!
Voilà pourquoi nous n’avons pas besoin d’un Poutine français mais d’une Présidence gaulliste !!
Voilà pourquoi nous avons le devoir de construire une France forte, aux côtés d’alliés et d’une Europe forte. Nous tous Européens n’avons plus droit à la faiblesse ou à la naïveté.
Oui l’Europe doit faire le choix de la puissance.
Une Europe puissance, c’est une Europe capable de prendre ses propres décisions et de les appliquer, sans passer en permanence par « le grand frère » américain. C’est une Europe qui sort du débat stérile entre armées nationales et armée européenne, et qui conjugue des défenses nationales fortes au sein d’une alliance européenne solide.
Il n’y a pas de liberté sans souveraineté ; il n’y a pas de puissance sans indépendance. Ce sont là les conditions de notre crédibilité !
Le monde a changé pour nous Européens et c’est à la France d’être l’un des moteurs de ce changement.
Le rôle de l’OTAN devra lui aussi être redéfini. Trop souvent, son élargissement a pu être vécu comme une provocation par la Russie. Trop souvent, des malentendus, des non-dits, ont pu vicier les relations entre Américains et Russes depuis la chute de l’URSS en 1991.
Comme le disait Albert Camus, « La paix est le seul combat qui vaille d’être mené ». Avec Valérie Pécresse, nous demandons à ce que soit organisée une grande Conférence sur la sécurité en Europe avec les Russes, l’Union européenne et le soutien des Américains. Et que soit mis en place un grand plan d’urgence afin que la voix de la paix soit toujours plus forte que la voix des armes.
– Premièrement, nous demandons un cessez-le-feu immédiat ainsi que le retrait des troupes russes d’Ukraine. Les pourparlers engagés entre la Russie et l’Ukraine doivent s’intensifier et tout doit être fait par la France et l’Europe pour trouver une issue diplomatique à cette guerre avant qu’elle ne devienne un drame humain à grande échelle.
– Deuxièmement, il faut accueillir et protéger les réfugiés ukrainiens en Europe.
Plus de 500.000 personnes ont fui leurs foyers en Ukraine. Je veux rendre hommage ici à la Pologne, la Roumanie et même à la Hongrie qui font preuve d’une solidarité exemplaire.
Je souhaite que l’on apporte toute l’aide nécessaire à ces pays pour leur permettre d’accueillir dignement les réfugiés.
Et je le dis aussi, c’est l’honneur de la France que d’accueillir des réfugiés ukrainiens au nom du droit d’asile et de la protection des peuples persécutés. Et c’est le déshonneur de M. Zemmour que de réinventer une ligne Maginot face aux réfugiés de guerre.
– Troisièmement, nous demandons à ce que la France s’assure de la traçabilité de l’aide financière versée à l’Ukraine, afin qu’elle ne tombe pas aux mains des Russes.
Et nous souhaitons également qu’il y ait un véritable calendrier et suivi des livraisons d’armes promises par l’Union européenne afin que celles-ci soient utilisées à bon escient.
– Quatrièmement, nous appelons à une stratégie de protection active face à l’avancée militaire russe.
Je pense notamment à la Moldavie, à la Pologne, à la Finlande, à la Roumanie mais aussi aux trois Etats Baltes.
– Cinquièmement : nous saluons les sanctions économiques fortes décidées par l’Union européenne contre la Russie mais aussi la Biélorussie, complice de cette invasion de l’Ukraine.
Ces sanctions, bien que d’efficacité relative, sont indispensables pour conduire une action diplomatique forte et crédible. Nous souhaitons insister sur deux volets :
– La nécessité de sanctions renforcées à l’égard des oligarques russes.
Nous ne devons pas avoir la main qui tremble et ne pas hésiter à frapper le pouvoir russe au portefeuille en gelant les avoirs des oligarques russes, et en confisquant leurs biens immobiliers, leurs yachts et véhicules de luxe.
– Nous devons veiller à ce que le coût de ces sanctions à l’encontre de la Russie soit bien supérieur au prix à payer pour les Français et les européens.
La France ne saurait être le « dindon de la farce », avec des sanctions qui pénaliseraient grandement nos points forts, à commencer par l’agro-alimentaire, alors que d’autres pays refuseraient les sanctions dans des secteurs clefs comme l’énergie.
– Sixièmement, nous demandons à retrouver une souveraineté alimentaire et énergétique qui nous fait tant défaut aujourd’hui.
Pour cela, nous avons besoin qu’un grand état des lieux de nos ressources stratégiques soit réalisé, au niveau national et européen, et que des mesures soient prises en conséquence en termes d’approvisionnements.
Je pense évidemment à nos stocks de céréales, en particulier de blé, au marché des méthaniers et aux stocks de gaz disponibles, aux stocks de métaux clefs, et en particulier du titane pour l’aéronautique.
Dès à présent, face à la flambée des prix énergétiques et alimentaires, nous devons protéger nos agriculteurs, nos industries et le pouvoir d’achat des Français.
N’oublions jamais que lorsqu’un champ de blé dépérit dans les terres de la Beauce, un champ de blé s’épanouit dans la région du Don ! Quand une centrale nucléaire ferme, un gazoduc russe s’ouvre ! Alors il est temps de sortir de cette politique de zigzag permanent pour retrouver le chemin d’une véritable indépendance énergétique, ce qui passe d’abord par la relance du programme nucléaire civil.
– Septièmement, comme le demandent Jean-Louis Thériot, François Cornut-Gentille et l’ensemble des députés Les Républicains, nous souhaitons qu’un effort massif d’investissements soit fait en matière de défense afin de garantir notre autonomie stratégique.
Enfin, nous souhaitons qu’une communication constante soit mise en place avec le Parlement sur les cyber-attaques dont nous pourrions être la cible.
Pour conclure, j’ai le sentiment d’un immense gâchis en voyant ce qu’est devenue notre relation avec la Russie.
Ce pays, pont entre l’Est et l’Ouest, aurait dû devenir un partenaire stratégique des européens, pour les échanges commerciaux, l’énergie, ou la sécurité.
La Russie tourne désormais le dos à ses racines, celles de l’Europe au profit de la Chine.
Si la Russie, colosse aux pieds d’argile, a les mains libres pour envahir l’Ukraine, que décidera demain le géant chinois à Taïwan ?
Mes chers collègues, le Maréchal Foch rappelait que « les peuples cessent de vivre quand ils cessent de se souvenir ».
J’avais 9 ans lorsque le Mur de Berlin s’est effondré aux yeux ébahis du monde entier. Cette image, comme chacun d’entre vous, je l’ai encore en tête. Ce fut un tournant de notre Histoire.
Alors aujourd’hui, nous devons tout faire pour éviter que l’Histoire nous revienne en boomerang et bouleverse nos certitudes acquises depuis trente ans.
Chaque crise historique est un moment de bascule, duquel peut naître le pire mais aussi le meilleur. L’Histoire nous regarde ; elle nous jugera sur la fidélité à nos principes, la défense de nos valeurs et la force de nos actes.
Alors, nous qui sommes députés de la Nation, faisons preuve de responsabilité et de concorde pour que vive la paix en Ukraine, en Europe et dans le monde, et que vive la République et vive la France.
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