Christian Jacob : «Un rebond est possible »
Christian Jacob, le président du parti Les Républicains, passera la main après les législatives de juin 2022. Avant de partir, il veut remobiliser ses troupes pour les élections législatives de juin. Il croit qu’un « véritable rebond est possible » à l’échelon local. Et qu’il serait favorable à la droite républicaine.
Un mois après le premier tour de la présidentielle, avez-vous déjà tiré un premier bilan de l’échec de Valérie Pécresse ?
Non, c’est trop tôt. Il faudra s’y pencher après les législatives, cet automne. Ce genre d’analyse se fait à froid. L’urgence est de remporter le scrutin du mois de juin, alors que le pays se trouve dans une situation particulièrement complexe.
Laquelle ?
D’abord, on a un budget de l’État qui est faux, préparé avec une prévision de croissance de quatre points. Or, celle du premier trimestre est à 0 et celle du deuxième sera vraisemblablement autour de 0,2. Par ailleurs, on a une inflation qui est à 4,8. Et on a un coût de fabrication industrielle qui a augmenté de 25 %. Sans oublier des taux d’intérêt qui vont augmenter et des dépenses publiques qui explosent.
Davantage de dépenses publiques, c’est davantage de déficit ; davantage de déficit, c’est davantage de dettes ; et davantage de dettes, c’est davantage d’impôts et de taxes.
Pendant ce temps, on a un Président qui privilégie plus les tactiques politiciennes que l’intérêt général, avec cette absence de gouvernement depuis un mois. C’est très inquiétant pour l’avenir. On ne sait pas quelle est la ligne du président de la République sur le pouvoir d’achat, l’explosion du coût de l’énergie, la sécurité, l’immigration… Il joue la montre en permanence.
Face à cette situation, quelle est la ligne de votre parti ?
Elle est très claire. Celle d’une droite indépendante, qui ne sera jamais dans le blocage des institutions, capable de voter des textes qui vont dans le bon sens, mais de s’y opposer durement si ce n’est pas le cas.
On a besoin, à l’Assemblée nationale, d’avoir cette représentation que la droite a sur les territoires. On détient, aujourd’hui, à peu près 60 % des exécutifs : mairies, métropoles, départements, régions. Il faut que ces territoires soient représentés à l’Assemblée par des gens de convictions.
Où en êtes-vous de vos investitures pour les législatives ?
Elles sont bouclées. On a 543 candidats. Dans 94 % des circonscriptions, nous aurons des candidats uniques LR, UDI, les Centristes. L’interdiction du cumul des mandats, voulue par François Hollande, Édouard Philippe et Emmanuel Macron, empêche toutefois un certain nombre de personnalités à se présenter, alors qu’elles ont un vrai savoir-faire, une vraie compétence. Il faut vraiment revenir là-dessus.
L’Assemblée doit évoluer, selon vous ?
Oui. Elle doit évoluer vers un pouvoir de contrôle beaucoup plus fort et vers une vraie représentation territoriale. Voilà pourquoi il faudra passer par une grande loi de décentralisation. On a vu, pendant la crise du Covid, combien les collectivités territoriales ont su se substituer aux failles de l’État en matière de santé, notamment. Il faut faire confiance au terrain. Tout ce débat-là, nous aurions pu l’avoir au moment de la présidentielle. Il a fait défaut.
Actuellement, vous avez 104 députés. Quel est votre objectif pour juin ?
D’être le plus nombreux possible. Je crois vraiment à une réaction très forte de représentation des territoires. Les Français ont besoin d’avoir des représentants responsables. La situation économique impose un certain nombre de réformes et des choix clairs.
Le « en même temps », on a vu ce que ça donnait. Cela se traduit par « on ne fait rien, on ne bouge pas ». Or, on a le pire chiffre d’Europe sur la balance commerciale. Les entreprises sont confrontées à des charges, des normes qui pèsent lourd. Quand les entreprises n’ont pas cette capacité de se développer, c’est de la richesse en moins.
Ne pas avoir fait de réformes sur l’assurance chômage et sur les retraites, ne pas avoir allégé le carcan technocratique, ne pas avoir fait une vraie loi de décentralisation… Tout cela nous pénalise.
Il y a quand même eu une réforme de l’assurance chômage…
Une demi-réforme, plutôt.
L’ancien Président, Nicolas Sarkozy, ne vous a pas aidés durant cette campagne présidentielle. Est-ce une déception pour vous ?
Je ne souhaite pas commenter la position de Nicolas Sarkozy. C’est la sienne. Il sait que ça n’a jamais été la mienne. On s’en est expliqué. Cela n’empêche pas d’avoir de l’amitié, de la reconnaissance pour tout ce qu’il a fait. Aujourd’hui, le choix est clair pour les Français. Va-t-on confier tous les pouvoirs à un seul homme, Emmanuel Macron, qui ne portera aucune réforme ?
Après un tel échec de Valérie Pécresse, comment la droite peut-elle gagner ces législatives ?
La droite a toujours gagné quand elle a su parler à tous les Français, quelle que soit leur catégorie sociale, quelle que soit leur tranche d’âge.
Est-ce à dire que Valérie Pécresse n’a pas su parler à tous les Français ?
On a loupé cette campagne présidentielle. Mais les responsabilités sont multiples. Valérie a été la première à dire qu’elle avait une responsabilité personnelle. Mais il y a aussi une responsabilité collective. On n’a pas su, dans ce contexte de Covid, de guerre en Ukraine, desserrer les deux mâchoires du piège tendu par Emmanuel Macron, affirmant : « c’est moi ou le chaos ».
N’est-ce pas aussi l’échec de la primaire ?
Je n’y ai jamais été favorable. L’histoire récente démontre que j’avais raison.
Comment allez-vous faire campagne ?
En allant sur le terrain ! Laurent Wauquiez fait beaucoup de déplacements. Xavier Bertrand, Bruno Retailleau, Aurélien Pradié, Gérard Larcher, Rachida Dati, Michel Barnier sont très engagés. Valérie Pécresse aussi. Je vais faire pratiquement un déplacement par jour à partir de cette semaine et jusqu’à la fin de la campagne.
Laurent Wauquiez est suppléant d’Isabelle Valentin, en Haute-Loire. C’est le début de son retour sur la scène nationale ?
C’est à lui qu’il faut poser la question. Ce que je peux vous dire, c’est qu’il a une voix très importante dans la reconfiguration de la droite et du centre que nous devons conduire. Comme toutes les personnes que je viens de vous citer.
Vous mettez cinq « priorités » en avant pour cette élection. D’où viennent-elles ?
Des consultations que nous avions organisées avant la présidentielle. Nous proposons, un, de baisser le prix des carburants à la pompe (en jouant sur les taxes).
Deux, d’indexer les retraites sur l’inflation et de les revaloriser (aucune pension en dessous du Smic).
Trois, d’alléger les charges qui pèsent sur le travail, en limitant la dépense publique pour pouvoir taxer moins.
Quatre, de résorber les déserts médicaux grâce aux médecins juniors, qui pourront faire leurs deux dernières années d’internat en médecine de ville.
Cinq, d’améliorer la sécurité en réinstaurant les peines plancher et en procédant à l’expulsion – réelle – des étrangers condamnés.
Pensez-vous qu’il puisse y avoir un rééquilibrage politique en votre faveur lors des législatives ?
J’en suis convaincu. Le quinquennat qui s’achève a eu trois années utiles avant le covid. Il ne s’est rien passé au cours de ces trois ans et il ne se passera rien de plus dans les cinq à venir, parce que c’est le mode de fonctionnement d’Emmanuel Macron. Quand on n’a pas de ligne claire, c’est très compliqué de réformer. On ne peut le faire que lorsqu’on est au carré sur ses positions. Or il ne l’est pas.
Vous croyez qu’une cohabitation est possible à l’issue des élections ?
Je crois qu’un véritable rebond est possible, mais ce que les Français attendent, ce sont des élus responsables. Les balivernes telles que « Jean-Luc Mélenchon Premier ministre » sont d’un ridicule total. Il est l’idiot utile d’Emmanuel Macron, qui en joue beaucoup. Je suis convaincu que les scores des candidats En Marche vont s’effondrer par rapport à 2017, et que les nôtres vont monter.
Redoutez-vous une nouvelle explosion de colère autour du pouvoir achat ?
Mais la genèse de cette colère, c’est Édouard Philippe ! Il est l’homme qui a réussi à mettre le feu sur tous les ronds-points de France. Au départ, les gilets jaunes, c’était un cri d’alerte sur le pouvoir d’achat. Le président de la République et le Premier ministre ont traité cela par le mépris, avec une condescendance totale. Même chose pour les 80 km/h. Ils sortent du même moule, ce sont des technocrates, qui ne sentent pas les choses.
L’Assemblée nationale, fade, molle, composée d’une majorité de députés sans ancrage territorial, habitués à courber l’échine au service d’un seul homme, n’a pas joué son rôle. Tout a été fait pour l’affaiblir. On a besoin d’une Assemblée qui sente le quotidien. Nous avons les personnalités en capacité de le faire, avec une vraie expérience de la gestion locale.
Vous craignez une forte abstention ?
En effet, Il y a un risque. L’alignement de la présidentielle et des législatives affaiblit la participation, c’est indiscutable.
Vous êtes pour la proportionnelle ?
Non. J’y suis vraiment opposé. C’est confier la représentation nationale aux partis puisque ce sont eux qui décideraient de l’ordre d’inscription des candidats sur les listes, et donc qui peut potentiellement être élu ou pas. Cela revient à faire désigner les candidats par les états-majors parisiens plutôt que par les territoires.
Julien Aubert a fait savoir qu’il était candidat à la présidence des Républicains. C’est lui qui va vous succéder ?
Il y a un temps pour chaque chose (rires). J’invite tous mes amis à se concentrer sur les législatives. Ma mission ne prendra fin qu’après les élections.
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