Bruno Retailleau : « La politique des clientèles, c’est la mort de la politique »
« En voulant tout concilier, la droite a tout perdu », estime le sénateur LR, qui appelle sa famille politique à « repartir de l’essentiel ».
Quels sont les objectifs poursuivis avec la nomination de Pap Ndiaye au ministère de l’Éducation ?
Il y a chez Emmanuel Macron cette volonté constante de provoquer, pour rester au centre du jeu. Sauf que c’est un jeu très dangereux. Alors que les quartiers sont gagnés par la haine antiflics, on nomme au gouvernement un homme qui affirmait que la France est dans « le déni des violences policières ». Alors que l’université est gangrenée par le wokisme, on confie l’école de nos enfants, creuset de notre pacte national, à un théoricien qui considère le discours d’Assa Traoré comme « rassembleur » et fustige « l’universalisme chauvin de l’homme blanc hétérosexuel ».
Faire entrer dans l’école un tel profil universitaire, n’est-il pas un moyen de soumettre la gauche décoloniale et les dénonciateurs du racisme structurel aux principes républicains, comme certains le croient à l’Élysée ?
Faire croire qu’on peut combattre des idées en les associant au pouvoir, c’est ignorer le pouvoir des idées. Pap Ndiaye a plus de dix ans de combats revendiqués en faveur du modèle multiculturaliste à l’anglo-saxonne, exact contraire du modèle français d’assimilation qui proclame l’indifférence aux différences.
C’est donc un choix idéologique, mais aussi tactique, car il s’agit de faire du pied à l’électorat mélenchoniste avant les législatives. Tant de cynisme est effrayant, pour l’avenir de l’école mais aussi de la politique. La politique des clientèles, c’est la mort de la politique.
Si ce gouvernement illustre la poursuite du «en même temps» macronien, pourquoi s’en étonner ?
Il ne s’agit pas de s’en étonner mais de le dénoncer : le «en même temps» consacre un vide idéologique qui laisse tout l’espace aux radicalités. On l’a d’ailleurs vu sur l’islamisme : le gouvernement déplore l’autorisation du port du burkini à Grenoble après avoir refusé nos amendements au Sénat pour l’interdire ! Le parti de l’ «en même temps», parce qu’il ne veut pas choisir, se condamne à l’indéfinition et donc à l’impuissance.
Or en démocratie, quand les citoyens ne se sentent plus représentés, quand le vote débouche sur un gouvernement qui n’incarne aucune ligne politique, c’est le principe même du vote qui est remis en cause. Voilà ce qui alimente l’abstention et les votes protestataires.
Les premiers jours du gouvernement Borne sont marqués par la tempête Abad. Que pensez-vous de cette affaire ?
Je n’ai aucun élément pour juger la vie privée de Damien Abad. Mais j’en ai suffisamment pour juger sa vie publique. On ne peut pas se rallier sans se renier. Que peuvent penser les Français lorsqu’ils le voient tout sourire aux côtés d’Olivier Véran alors qu’il n’a cessé, à la tête de l’opposition à l’Assemblée, de dénoncer sa politique sanitaire ?
Comment s’étonner que les électeurs ne votent plus quand ceux qui se présentent à leurs suffrages se vendent au plus offrant, comme de vulgaires mercenaires ? L’attitude de Damien Abad est déplorable, car il rabaisse la politique et donne des raisons supplémentaires de désespérer d’elle. Cependant, tous ceux qui ont manigancé le ralliement de la droite ont déjà perdu. L’hémorragie espérée n’a pas eu lieu. L’issue des législatives est donc loin d’être écrite.
Élisabeth Borne évoque déjà la réforme des retraites et le pouvoir d’achat. N’est-ce pas rassurant pour la droite ?
J’attends les actes. Car je me souviens qu’Emmanuel Macron a aussi déclaré que la réforme des retraites n’était pas une priorité. Une chose est sûre : nous ne cautionnerons pas de nouvelles dépenses sans de réelles économies.
Sur quelle question centrale la recomposition de la droite s’organisera-t-elle après le 19 juin ?
L’enjeu pour la droite, c’est d’abord la clarté. En voulant tout concilier, la droite a tout perdu. Nous devons repartir de l’essentiel. Ce qui fonde la politique, c’est une vision de l’homme dans son environnement. À l’heure où les problèmes de pouvoir d’achat et de communautarisme taraudent nos concitoyens, surtout les plus modestes, je crois que la droite doit repenser ensemble la question sociale et la question identitaire, en reposant cette question fondamentale : qu’est-ce qu’une politique qui garantit la dignité de chaque Français et l’unité entre tous les Français ? Et je pense que notre modèle de civilisation, qui a pour cadre la nation et pour moteur la liberté, fournit une base indispensable à cette réflexion.
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