Bruno Retailleau : « Je serai candidat à la présidence des Républicains »
Le président du groupe LR au Sénat estime qu’« il faudra tout changer » et « refonder un nouveau parti ».
Vous encouragiez Laurent Wauquiez à être candidat à la présidence de LR. Il a fait un autre choix. Et vous? Serez-vous candidat pour animer le mouvement ?
Oui, je serai candidat à la présidence des Républicains. Je considère que Laurent Wauquiez avait toutes les qualités pour présider notre mouvement mais, en son absence, beaucoup m’ont demandé de me présenter. Je ne suis pas en manque de responsabilités, mais je ne suis pas homme à me dérober.
Est-ce compatible avec la présidence du groupe LR au Sénat ?
Ce n’est pas seulement compatible mais souhaitable. Aujourd’hui, le Parlement revient au centre du débat public. Que le président du premier groupe parlementaire de droite préside aussi le parti, c’est un gage de cohérence et de clarté.
Comment faut-il comprendre votre candidature ?
D’abord, je ne suis candidat contre personne. Éric Ciotti et Aurélien Pradié ont toute légitimité à se présenter. Mais cette élection ne doit pas se transformer en un face-à-face entre deux camps qui joueraient la surenchère. Dans notre état de faiblesse, un choc frontal pourrait nous briser. Bien sûr, la droite doit s’assumer, sans aucun complexe, mais elle doit aussi avancer. Je veux dépasser le passé et mettre la droite en ordre de bataille pour les combats de demain.
Peut-on assumer une ligne « droite et forte » – pour reprendre les termes d’Éric Ciotti – sans cliver ?
Oui. J’en veux pour preuve ce mot d’ordre de Laurent Wauquiez, en 2017, lorsqu’il était candidat à la présidence des Républicains : « Rassembler sans se renier. » Je ne me suis jamais renié. Qu’il s’agisse du totalitarisme islamiste ou de la nécessité de travailler plus et de dépenser moins, je dis aujourd’hui ce que je disais hier. C’est aussi pourquoi j’avais voté contre le traité de Lisbonne, parce qu’il reniait la parole du peuple souverain. Mais j’ai toujours cherché à rassembler. Car on n’est jamais fort quand on se réduit. La capacité d’un chef ne se mesure pas seulement à son autorité, mais aussi à sa faculté à fédérer. Cliver, c’est facile. Mais quand on dirige, il y a souvent beaucoup plus de courage à rassembler qu’à opposer.
Est-ce encore possible de réformer les Républicains sans « déformer » ce qu’ils sont ?
Réformer le mouvement ne suffira pas. Il faudra avoir le courage de tout changer. Ce que je veux, c’est refonder un nouveau parti pour reconstruire une vraie droite. On ne peut pas se réclamer du général de Gaulle, de l’homme du référendum, et ne pas donner la parole aux militants. Je veux que les militants puissent trancher les grandes décisions, participer à la désignation de nos candidats. Je veux aussi créer des communautés numériques et redonner des moyens et des outils aux fédérations. Tout changer, c’est une question d’efficacité mais aussi de crédibilité : nos électeurs attendent des preuves, pas seulement des mots. J’entends parler de rupture : très bien. Mais la rupture, depuis combien de temps la promettons-nous ? Ne nous contentons pas d’agiter de vieux slogans, construisons un nouveau mouvement.
LR a-t-il encore des idées, une ligne ?
J’ai souvent regretté que la droite ne soit pas naturellement portée vers le débat d’idées. J’avais voulu prendre ma part à ce nécessaire effort intellectuel en proposant dans un ouvrage, Refondation, un corpus d’idées pour la droite. Nous vivons une période d’effondrement. Tout est à repenser car tout est à terre : le travail, notre système de santé, l’autorité de l’État et même une certaine idée de la civilisation. Il nous faut, en tenant compte du monde d’aujourd’hui, formuler une proposition à partir des fondamentaux de la droite : notre goût pour la liberté, la responsabilité, l’ordre, la transmission, le progrès. Et ne pas nous contenter de demi-mesures. Prenons l’école : plutôt que quelques changements de programmes, c’est un changement complet du système éducatif que la droite doit proposer, avec des établissements publics autonomes, afin de casser le nivellement par le bas. Bien sûr, la droite, c’est plus de sécurité, moins d’impôts et d’immigration. Et sur ce dernier point, il faudra aussi passer par un référendum pour que le peuple français se réapproprie cette question existentielle. Mais nous devons être plus exigeants envers nous-mêmes, sortir de nos zones de confort et investir des champs nouveaux de réflexion, que ce soit le numérique, l’intelligence artificielle, l’écologie, etc. Une droite courageuse, c’est aussi une droite audacieuse.
Vous aviez sorti un essai, en 2021, Aurons-nous encore de la lumière en hiver ?. Le titre se voulait provocateur… mais aurons-nous encore de la lumière et du chauffage ? Dans quel monde allons-nous basculer ?
J’aurais préféré me tromper mais j’avais effectivement anticipé. Emmanuel Macron, lui, ne l’a pas fait. Car la situation actuelle n’est pas simplement due à la guerre en Ukraine : la filière nucléaire a été totalement sabordée puisque le président avait donné instruction de fermer quatorze réacteurs nucléaires. Et il vient aujourd’hui nous parler de la fin de l’insouciance… Mais l’insouciant, c’est lui ! La question fondamentale, désormais, c’est la maîtrise de notre destin : comment les États peuvent-ils retrouver une prise sur les événements, face aux poussées impérialistes ou aux assauts de cet empire de la technique qui prend le contrôle de nos vies ? La réponse, c’est la souveraineté. Elle est l’horizon indépassable des nations. Car ce qu’un peuple ne fait pas pour lui-même, personne ne le fera à sa place.
Comment incarner une alternative crédible ? Faut-il travailler avec Emmanuel Macron pour faire avancer les réformes ?
Qu’on ne fasse pas de l’obstruction systématique, c’est du bon sens. Mais nous ne serons jamais macronistes. Il y a entre Emmanuel Macron et nous des différences de nature et pas seulement de degrés. N’alimentons pas la grande confusion, le « en même temps », c’est-à-dire le « tout se vaut ». Car si tout se vaut, alors tout est faux. Nous devons montrer que la politique vaut encore quelque chose, qu’il y a encore des hommes et des femmes d’honneur qui ne sont pas prêts à troquer leurs convictions pour des ambitions.
Faut-il construire un rassemblement plus large que LR avec les électeurs d’Éric Zemmour et de Marine Le Pen ?
Vous posez une question essentielle pour l’avenir de la droite. Je tendrai toujours la main aux électeurs de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour car je ne me résignerai jamais à ce que des Français sincèrement de droite nous aient quittés.
La droite a-t-elle encore un avenir dans sa forme partisane actuelle ? Pour Dominique Reynié, « la recomposition des droites pourrait se faire sans Les Républicains ».
Si je le pensais, je ne serais pas candidat à la présidence de notre parti. La droite a un avenir si elle ne cède ni à la fatalité ni à la facilité. Car c’est trop facile de pointer les autres du doigt : notre problème, c’est nous-mêmes, ce sont nos reniements et nos paresses devant l’effort intellectuel qu’exige une vraie refondation.
Les jeunes et les urbains, notamment, ne votent plus pour LR. Comment leur parler et les convaincre ?
Les jeunes, les urbains, les premiers ou les derniers de cordée : je crois qu’il faut surtout parler à nouveau aux Français comme à un seul peuple. Car c’est l’objet même de la politique : faire un être collectif à partir d’êtres singuliers. Les Français sont un grand peuple politique : plus on leur sert des discours catégoriels, moins ils se rendent aux urnes. La politique des clientèles abîme tout parce qu’elle promet tout.
Comment s’adresser aux militants LR comme au reste de la droite ?
En parlant clair plutôt qu’en parlant fort. Les militants comme les sympathisants n’attendent pas qu’on en fasse trop : ils veulent seulement être sûrs que nous ferons demain ce que nous disons aujourd’hui.
Le président de LR a-t-il vocation à être candidat à la présidentielle ?
Dans cette élection, je suis candidat pour refonder mon parti, pas pour présider le pays. Avec les militants, je veux bâtir ce grand parti de droite, populaire et patriote, qui manque aujourd’hui à la France.
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