Bernard Carayon : « Parler d’espérance aux Français »
Bernard Carayon, conseiller politique de notre mouvement et maire de Lavaur (Tarn), fait un constat lucide et sans concession de l’état de la France, déplorant notamment que nous détenions les records de déficits, de prélèvements, de désindustrialisation, d’insécurité ou encore d’immigration. Et appelle les dirigeants à dire la vérité, sans fard, tout en tentant de dessiner un horizon d’avenir et de redressement.
La France est une énigme. Elle a porté l’idéal de liberté de tous les peuples, construit le modèle de l’État moderne et la notion de souveraineté, adapté aux temps modernes l’antique citoyenneté, conçu des objets industriels d’exception, partagé la découverte de la vaccination, inauguré, avec la Sorbonne, ces lieux de transmission du savoir, ouverts aux sans-fortune. Ses monuments, ses jardins, sa littérature, certaines de ses figures politiques et religieuses ont donné à tous les hommes de goût une seconde patrie.
Mais la France s’est laissée envahir par les formes les plus hideuses, stupides et intolérantes de déconstruction affectant son passé, sa langue, sa culture, ses structures sociales.
Elle s’est ouverte aux prédateurs financiers du monde entier et à une immigration aux antipodes de son creuset civilisationnel, fermé les yeux sur ses dépendances stratégiques, universalisé ses droits sociaux au préjudice de ses citoyens.
Il n’y a pas d’exemple comparable d’un tel masochisme. L’idéologie de la gauche qui a perdu sa vitalité républicaine, les lâchetés de la droite reniant la nation se paient aujourd’hui cash, d’autant que l’État s’effondre dans tous ses anciens compartiments d’excellence. Le déni des réalités est la trame des quarante dernières années de notre vie politique. Nous détenons tous les records de déficits, de dette, de prélèvements, de désindustrialisation, d’insécurité, de consommation de drogues légales et illégales, d’immigration. Nos positions diplomatiques reculent partout. Notre armée est jugée incapable de tenir un conflit de grande intensité de plus de quelques jours ; nos référents économiques, politiques et stratégiques ont trente ans de retard. Les États-Unis comme la Chine pillent nos technologies et nous espionnent, l’Allemagne nous trahit chaque fois qu’elle le peut, la Commission nous impose des règles dont elle soustrait de l’application nos concurrents extra-européens.
Il n’est pas éloigné le moment où le président de la République offrira à l’Europe – de fait, aux Allemands, qui la pilotent – notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU, en échange d’un peu de compassion sur l’état désastreux de nos finances publiques et de notre capacité à réformer le pays.
Notre situation est d’autant plus grave que s’est engagé depuis une quinzaine d’années un basculement du monde vers l’Asie et que le système financier est à bout de souffle. Alors que s’imposent des efforts inédits dans l’histoire pour financer la transition énergétique, la dette publique et privée du monde est déjà supérieure à celle de l’après-guerre…
« Espérer contre toute espérance » : c’était le thème d’une conférence de carême du père Carré, à Notre-Dame, il y a cinquante ans. L’espérance est la mère des activités humaines : celle du bâtisseur de cathédrales, de Livingstone perdu le long des rives de la Lualaba, du déporté guettant la lumière du jour de sa libération.
Mais elle a disparu des discours politiques français. C’est le corollaire d’un affaissement intellectuel et moral ; car l’espérance se nourrit des leçons de l’histoire et d’une conceptualisation de l’avenir : le dessin du destin. L’ignorant ne peut ni se souvenir ni anticiper, a fortiori mobiliser. Il se réfère plutôt aux « valeurs de la République » comme d’un viatique, pour se vêtir de respectabilité ou ostraciser l’adversaire. Or la République n’a pas de « valeurs » : seulement des principes.
La France n’a pas seulement le privilège de l’antériorité sur la République : elle a une « odeur », comme l’écrivait si joliment Jean-Paul Dollé, l’ancien maoïste, qui sut aimer Charlotte Corday et Saint-Just. Il y a plus de trente ans déjà, il sentait que « la France n’existe plus. Monte une horrible odeur de cadavre. Elle revivra peut-être quand refleurira une parole ».
L’histoire nous enseigne que la patrie est plus souvent sauvée par les gueux que par ses élites. Mais c’est au peuple entier que la parole politique doit s’adresser. C’est la vocation de la droite. Elle se corrigera de ses lâchetés mais la gauche plus difficilement de ses erreurs fondamentales : le travail comme condamnation, la préférence étrangère en substitut du patriotisme, le mensonge en règle de réécriture de l’histoire, la culture prométhéenne de la table rase en lieu et place de ce qui est naturel.
Le monde occidental redécouvre les mérites des nations et de leurs frontières, des « rappels à l’ordre » politiques du marché, de la souveraineté : le gaullisme ne pouvait naître à gauche, parce qu’il est issu du respect de la terre et des morts, nourri de la vertu de la transmission. Mais il a pu rassembler dans les temps de troubles, parce qu’il parlait à l’âme des Français.
C’est parce qu’on ne sait plus parler à celle-ci qu’ils ne croient plus en leurs représentants, préférant le cri de la rue au respect des institutions.
Dire la vérité, sans fard ni arrogance. Cultiver le sentiment d’appartenance à la communauté nationale que décrivait Renan dans son discours à la Sorbonne. Si le gaullisme est apparu comme une résurrection de l’esprit français, c’est qu’il existait avant de Gaulle. L’histoire n’est écrite que pour les religions fatalistes : ce n’est pas le sens de notre civilisation européenne, qui repose sur la liberté et la responsabilité de chacun comme sur la conscience du tragique, que l’on ne surmonte que par l’espérance.
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