Antoine Vermorel-Marques : « Construire une écologie de droite est essentiel à notre survie »
Chargé par Éric Ciotti de bâtir un programme sur l’environnement, le jeune député LR s’est donné une mission : rénover intégralement l’idéologie de son parti. Rafraîchissant.
L’initiative, en septembre 2020, avait rendu malades la poignée de députés LR ouvertement pro-climat… La droite, annonçait en fanfare le président du groupe Damien Abad, allait enfin faire sa révolution et prendre à bras-le-corps la question écologique en mettant en place une « task force » chargée de lui définir un programme. Las ! « Deux ou trois réunions » et quelques dizaines de fiches (rédigées à la hâte) plus tard, les Républicains accouchaient d’une liste de 50 propositions « pour une écologie positive » aussi percutantes que « développer les mobilités durables », « mettre fin à l’obsolescence programmée » ou « instaurer un moratoire sur l’éolien terrestre ». Un peu court, avait jugé la presse, qui s’en était à peine fait l’écho…
« C’était nul », admet aujourd’hui Antoine Vermorel-Marques, jeune député de la Loire, propulsé par Éric Ciotti, après son élection il y a un an, référent du parti sur l’écologie. À 30 ans, le benjamin du groupe, biberonné aux rapports du Giec, s’est donné une mission : accompagner la révolution de la droite dans un domaine dans lequel elle patauge depuis des années, mais devenu essentiel pour son électorat : 75 % de ses sympathisants sont préoccupés par le réchauffement climatique, selon un récent sondage Kantar. Et la partie s’annonce rude…
Le 10 octobre, une première « nuit de l’écologie », organisée porte de Versailles à Paris avec l’eurodéputé Geoffroy Didier, a permis de poser la méthode : « bousculer les certitudes » des élus LR présents, dont certains doutent encore de l’urgence climatique. Et les emmener, par étapes, à bâtir d’abord un corpus idéologique cohérent et enfin un programme. « On ne va pas se mentir : la montagne est haute », confie au Point Antoine Vermorel-Marques.
Votre première « nuit de l’écologie » s’est ouverte avec un représentant du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Était-il important que ce symbole soit posé ?
C’était essentiel. Ma génération est sans doute la première à avoir été sensibilisée, dès l’école, aux enjeux climatiques. Je considère personnellement que c’est une question majeure. Pourtant, certains élus au sein de ma famille politique me disent encore : « Mais le Giec, c’est un groupe de militants, pas des scientifiques ! » Nous devons aussi combattre les discours relativistes qui favorisent l’inaction (le fameux « mais la France n’émet que 1 % des gaz à effet de serre »). Ces gens-là ont toujours existé à droite, mais ils sont ultraminoritaires. Car les hommes et les femmes de droite sont en grande majorité sincèrement préoccupés par l’environnement et ont envie d’apporter des solutions. C’est ce que notre électorat attend de nous, notamment les plus fragiles qui sont aussi les plus touchés par le réchauffement climatique.
C’est ce qu’a dit avec justesse Éric Ciotti mardi soir : « D’éminents spécialistes ont posé le diagnostic. […] On ne conteste pas une réalité, elle s’impose à nous. » Si nous voulons retrouver une majorité en 2027, nous devons accepter la science et nous inscrire dans le cadre de l’accord de Paris. Si l’on ne prévoit pas la question climatique, serons-nous encore un parti de gouvernement ? Nous n’avons pas la prétention d’avoir un programme de droite sur l’écologie pour l’instant, parce que – pour parler clairement – nous n’en avons pas. Je le constate en toute humilité : depuis 2012, à part nous dire favorables au nucléaire et contre les éoliennes, nous n’avons rien proposé de global. Cela doit changer, et c’est tout le travail que je souhaite mener avec ma famille politique.
Quels seraient, selon vous, les marqueurs d’une écologie de droite ?
J’en vois au moins quatre pour l’instant, que nous devrons affiner. Le premier est le respect des libertés individuelles. Nous défendons une écologie humaniste, contrairement à l’écologie radicale dont le jusqu’au-boutiste peut conduire à remettre en cause ces libertés. Ensuite, je défends la notion de « neutralité fiscale ». Je m’inscris en faux contre ceux qui parlent d’une écologie non punitive, car je suis personnellement favorable à des mesures visant à entraîner un changement des comportements. Le bonus-malus sur les voitures propres instauré à l’époque par Jean-Louis Borloo est une bonne mesure, à condition que ce malus finance le bonus. Une fiscalité écologique est essentielle, mais elle doit financer la dépense environnementale, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui.
En troisième lieu, notre approche se caractérise par la foi dans le progrès technique, et dans la croissance sur laquelle repose tout notre système social, que nous voulons tous préserver. Enfin, un dernier marqueur doit être l’importance que nous donnerons à l’adaptation au réchauffement climatique, en parallèle des efforts pour réduire nos émissions. Aujourd’hui, quasiment rien n’est fait pour adapter la France au réchauffement qui s’annonce. Or c’est un récit à mener, car je pense que c’est grâce à lui que nous entraînerons notre électorat sur la voie de l’atténuation.
Que voulez-vous dire ?
Une personne âgée, qui ne remet pas en cause le dérèglement climatique mais qui souffre des étés caniculaires, aura besoin de climatisation. Elle comprendra mieux, si nous l’aidons à trouver des solutions, la nécessité de décarboner l’économie. En effet, si nous saurons nous adapter à une hausse de 1 à 2 degrés des températures, nous ne pourrons rien faire face à une hausse de 5 degrés.
La fiscalité écologique est un sujet particulièrement sensible à droite. L’assumer serait une vraie rupture…
C’est vrai, c’est pourquoi nous devons prendre le temps de construire notre raisonnement, par étapes. Mais, personnellement, je trouverais parfaitement normal que soit mise en place une progressivité du tarif de l’eau, et ne trouve pas très sain que des billets d’avion Paris-Barcelone soient proposés à seulement 50 euros. Je suis également favorable à une taxe carbone, notamment à la frontière européenne, beaucoup plus élevée. J’ai conscience que ce sont des sujets sensibles pour ma famille politique… Mais nous devons dire les choses, et surtout garantir que le malus ou la taxe finance à 100 % le bonus, soit l’incitation aux comportements vertueux.
Les Républicains restent majoritairement opposés au développement de l’éolien, dont il sera pourtant difficile, sinon impossible, de se passer dans les années à venir étant donné les délais imposés pour le renouvellement du parc nucléaire. Comment les convaincre ?
Les maires de droite sont en réalité très nombreux à développer les énergies renouvelables sur leur territoire, à construire des plans vélos, etc. Je pense que le non-cumul des mandats nous fait beaucoup de mal, car, ces maires ne pouvant plus être députés, leur voix s’est amoindrie. Mais elle existe. J’ai été un élu local dans une agglomération présidée par un maire de droite, qui a installé des éoliennes, un méthaniseur, une centrale photovoltaïque… Sans contestations ! La clé est la concertation avec le public.
La guerre en Ukraine a remis au premier plan les sujets énergétiques et de souveraineté, qui rencontrent les sujets climatiques. Cela peut-il vous aider ?
Bien sûr. À droite, un conflit a longtemps opposé les pro-industrie et les pro-environnement. Ce clivage est en train de se résoudre, car chacun comprend que, si l’on veut décarboner la planète, à l’échelle globale, il faut qu’on réindustrialise nos productions. À ce titre, la voiture électrique est aussi un enjeu de souveraineté : son développement permettrait de nous rendre souverains en matière de transports, sans subir les chocs pétroliers et les cours du baril et du dollar. À partir du moment, bien sûr, où nous serons capables de produire de l’électricité française. Avec, pour partie, des éoliennes fabriquées en France. Tout se tient…
Vos positions ne sont pas si éloignées de celles d’Emmanuel Macron, en somme…
Emmanuel Macron a fermé Fessenheim et, deux ans après, il nous a fait voter la relance du nucléaire. Je pense que lui aussi a un problème idéologique sur ces questions-là : il n’y avait pas réfléchi et, faute d’avoir pensé son programme, les difficultés s’accumulent. Il doit reculer aujourd’hui sur le calendrier des zones à faibles émissions (ZFE), sur le zéro artificialisation nette (ZAN)… Et, surtout, il ne finance aucune de ses propositions. Il est resté dans le « dire », mais n’est pas encore entré dans le « faire »…
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