Retraites : « C’est le retour du rêve socialiste des années Mitterrand »
L’ancien ministre LR de la Santé Yannick Neuder accuse le gouvernement Lecornu de tout brader à vil prix pour « quelques mois de sursis ».
« Irresponsable ! » Ancien ministre de la Santé du gouvernement Bayrou, Yannick Neuder (LR) ne décolère pas après le vote de l’Assemblée suspendant la réforme des retraites qui avait porté l’âge légal de départ à 64 ans. Oui à la stabilité politique qui suppose de faire des compromis pour éviter un crash sur le budget de l’État, concède-t-il, mais « pas à n’importe quel prix ». « Il y aura des sacrifiés », prévient-il, en citant les patients les plus vulnérables, les retraités et épargnants, premiers pénalisés à ses yeux par cette reculade sans précédent. Proche de Laurent Wauquiez, le député de l’Isère ne ferme pas formellement la porte à une motion de censure déposée par Les Républicains si Sébastien Lecornu ne reprenait pas à son compte le travail que la droite sénatoriale entend désormais mener pour corriger la copie de l’Assemblée.
En suspendant la réforme Borne, l’Assemblée vient-elle de commettre la bêtise du siècle, une « hérésie », comme dit le patron du Medef, Patrick Martin ?
On vend aux Français une illusion dangereuse ! On alourdit la dette sociale en faisant des promesses qui seront payées, non plus par nos enfants, mais par nos petits-enfants. On laisse croire que la solution pour sortir le pays de l’impasse, c’est de travailler moins et moins longtemps. D’accord, il fallait s’occuper de la situation des femmes, des carrières longues et de la pénibilité. Mais, avec ce vote, on envoie le signal que toute réforme peut être potentiellement suspendue dans notre pays. C’est contre-productif et c’est à rebours de ce que font nos voisins européens. Le Danemark, par exemple, envisage à nouveau de repousser l’âge de départ à la retraite ! La Droite républicaine a une ligne constante : baisser le coût du travail, réduire les dépenses, empêcher l’augmentation des taxes et impôts. C’est la seule voie crédible. Là, on fait l’inverse pour avoir un accord avec le PS afin d’éviter la censure. Oui à la stabilité, mais pas à n’importe quel prix ! Voilà tant de raisons qui font que j’ai quitté le gouvernement et la première d’entre elles : j’ai des convictions et je ne vais pas les brader pour un poste.
Précisément, n’est-on pas entré dans une logique du « n’importe quel prix » pour sauver le mandat du président, le budget de l’État et le soldat Lecornu ?
Le prix est lourd à payer pour quelques mois de sursis. C’est le retour du rêve socialiste des années Mitterrand de la retraite à 60 ans… On entretient la culture de l’assistanat, au lieu de responsabiliser les Français en expliquant que c’est par le travail qu’on va créer de la valeur et faire face aux dépenses sociales et de santé. On assiste à un concours, non pas Lépine, mais du populisme, où tout le monde veut gagner sans travailler. Qui paiera la facture ? Car il y aura des sacrifiés : les Français malades, d’abord, et qui n’ont pas choisi de l’être. Alors que les besoins de santé augmentent, on diminue les recettes et on fait des économies sur le dos des plus vulnérables, avec l’augmentation des franchises médicales et le coup de rabot pour les patients en ALD (affection de longue durée). Les retraités, eux, vont voir leur pension diminuer. La médecine libérale et l’hôpital, ensuite, subissent une attaque sans précédent. Enfin, on punit les épargnants et classes moyennes avec la proposition du RN et de LFI de relever la CSG sur l’épargne. Avec ce budget, on va payer très cher cette année 2026 et les années à venir. En 2027, ce sera la foire d’empoigne du populisme ! Il faudra des candidats qui remettent de l’ordre, de la stabilité et de la raison.
La droite sénatoriale affiche déjà son intention de revoir de fond en comble la copie de l’Assemblée. Si le Premier ministre n’en tenait pas compte, votre parti pourrait-il déposer une motion de censure ?
C’est prématuré, mais cela fait partie des questions qui devront être posées. Le devoir de la Droite républicaine est de dire la vérité, pas de promettre des miracles. Or, quand on fait des cadeaux électoraux, il y a toujours quelqu’un qui paie. Le Sénat va heureusement revenir sur un certain nombre de dispositions, et je veux saluer le travail accompli par Laurent Wauquiez et les députés DR qui ont obtenu de nombreuses victoires, dont la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut un budget et de la stabilité, mais nous devrions nous fixer collectivement une ligne de conduite pour les mois qui nous séparent de la présidentielle : surtout ne pas nuire, comme dit le serment d’Hippocrate. Or, en votant de telles mesures sans les compenser, on va nuire aux retraités, aux malades et à l’hôpital.
Après les clins d’œil adressés au patronat par Jordan Bardella, le RN vient-il de montrer son vrai visage en soutenant cette suspension de la réforme Borne ?
Le RN a un programme économique très proche de celui de La France insoumise, en vérité. Ils ont voté ensemble plus de 34 milliards de taxes et impôts ! Les réflexes poujadistes reprennent le dessus. C’est le musée des horreurs de la taxation fiscale. Les Républicains, comme Horizons, sont apparus dans ce débat comme les partis de la responsabilité. Il est facile de détruire pour durer quelques mois de plus, mais il sera très difficile demain de reconstruire.
>> Lire l’interview sur LePoint.fr
L’article Retraites : « C’est le retour du rêve socialiste des années Mitterrand » est apparu en premier sur les Républicains.
