Guillaume Larrivé : « A la recherche de la cité perdue »
Quels que soient les soubresauts politiques des mois qui viennent, chacun devine que les grandes questions qui se posent au pays devront être tranchées lors de l’élection présidentielle à venir.
En devenant la vingt-huitième personnalit Jnommée à Matignon depuis les débuts de la Ve République, Sébastien Lecornu a accepté de diriger un gouvernement qui ne peut qu’avoir un caractère provisoire dans sa durée et ses effets. Quels que soient les soubresauts politiques des mois qui viennent, chacun devine que les grandes questions qui se posent au pays devront être tranchées lors de l’élection présidentielle à venir. Dix-neuf mois avant cette échéance, il me semble pourtant nécessaire de dissiper ce qui pourrait être un malentendu, sans craindre d’ouvrir un nécessaire débat institutionnel.
Car l’enjeu de 2027 ne sera pas seulement d’élire un successeur au président Macron. Il s’agira, en vérité, de retrouver notre cité, c’est-à-dire de choisir un pouvoir capable d’exercer à nouveau le pouvoir.
Le malentendu, en effet, serait de croire qu’il nous suffirait de remplacer un Prince élu par un autre. Céderons-nous encore à l’illusion de l’incarnation providentielle ? Méfions-nous de ce vocabulaire aux réminiscences christiques : ici-bas, le verbe n’est pas Dieu et il ne se fait pas chair. Nous commettrions collectivement une erreur tragique si nous imaginions, une nouvelle fois, que l’élection d’un nouveau président de la République sera, à elle seule, l’instant magique où se concentreront toutes les délibérations et toutes les décisions politiques de la nation.
L’expérience des vingt-cinq dernières années devrait plutôt nous inciter à la circonspection, puisque l’élection suprême n’a donné à aucun des derniers présidents de la République la force de transformer profondément les politiques publiques. Le lent déclin de la France a-t-il été interrompu ? Non. Comment ne pas voir que, triomphalement sacrés l’année n, les présidents ont été plongés dans la marmite bouillonnante de l’impopularité les années n+1 et n+2, avant d’être paralysés dans l’impuissance les années n+3 et n+4, et de finir péniblement leur mandat l’année n+5 ?
Malheur français. La réélection presque miraculeuse de l’actuel président n’a fait que repousser la date ultime à l’année n+10 ; mais l’étalement de cette très longue fin de règne n’a fait qu’aggraver le cycle de l’impuissance publique. Si nous continuons à faire semblant de croire que l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct suffit pour délibérer et décider de tout, le même cycle se poursuivra avec le nouveau président quinquennal – qui verra lui aussi, à ses dépens, qu’il n’y a pas loin du Capitole à la roche tarpéienne. Comme ses prédécesseurs, il quittera à son tour le temple de Jupiter et sera symboliquement jeté dans le vide.
Le « comment » importera plus encore que le « qui ». Car même s’il est doué d’un talent rhétorique, voire d’une dimension charismatique, le neuvième président de la Ve République ne pourra, par son seul leadership, rompre avec le déclin de la France s’il ne parvient pas à faire précisément trancher par les Français des questions juridiques et institutionnelles trop longtemps repoussées. Enonçons-les ici, sans asséner des réponses péremptoires, mais en formant le vœu que ces interrogations soient enfin prises au sérieux dans les mois qui précèdent l’élection présidentielle.
La première question est fondamentale, parce qu’elle est désormais au cœur du malheur français et de la révolte populaire face à l’aggravation des défis régaliens – chaos migratoire, hyperviolence – qui menacent la paix civile. Pourra-t-on surmonter l’impossibilisme juridique qui s’oppose à la volonté majoritaire des citoyens au nom des droits de l’homme, sans pour autant tomber dans l’illibéralisme politique qui écraserait les droits de l’homme au nom de la volonté majoritaire des citoyens ?
Autrement dit : comment réconcilier l’Etat de droit (c’est-à-dire la garantie des droits) et la démocratie nationale (c’est-à-dire la souveraineté du peuple) ? Dans tous ses aspects, le contrôle de constitutionnalité devra faire l’objet d’un débat serein mais approfondi. Qui sont les juges constitutionnels ? Qui peut demander la censure d’une loi à ces juges ? A quel moment ? Quel doit être le bloc de constitutionnalité à prendre en compte pour censurer la loi ? Comment organiser le dialogue entre l’autorité constituée que sont les juges constitutionnels et le pouvoir constituant que sont le peuple et ses représentants ?
Responsabilité. Quelle utilisation peut-on faire du référendum, dans quels domaines, pour que des lois soient adoptées directement par le peuple souverain ? De même, nous devrons nous interroger sur le contrôle de conventionnalité, c’est-à-dire la relation entre les lois et les stipulations de droit international, y compris celles qui proviennent des diverses institutions européennes : faut-il, comme c’était le cas jusqu’à la fin des années 1980, rétablir le pouvoir, pour une loi nationale adoptée postérieurement à une norme internationale, de déroger expressément à celle-ci?
La deuxième grande question est celle des relations entre les institutions politiques. La durée de la fonction présidentielle est-elle à revoir, pour lui redonner son caractère surplombant ? La responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée doit-elle être équilibrée par une plus grande responsabilisation des députés, en ne prévoyant de motion de censure que si elle est constructive, c’est-à-dire si elle s’accorde sur le choix d’un nouveau chef de gouvernement ?
La troisième série de questions porte sur les périmètres de l’Etat, des libertés locales et des volontés contractuelles. Comment sortir de l’illusion selon laquelle un Etat méga-dépensier et ultra-normatif peut tout faire tout le temps ? Quelles sont les missions dont l’Etat doit avoir le monopole ? Quelles sont celles que les provinces et les communes, selon une organisation territoriale à repenser, doivent assumer ? Et quelles responsabilités incombent aux acteurs de la société – les entreprises, les syndicats, mais aussi les familles, les associations et, bien sûr, les individus eux-mêmes ?
Si les partis prenant part au débat politique respectent vraiment le peuple français, ils devront apporter des réponses réfléchies et précises à ces questions, en les formulant de manière audible par les citoyens. A droite, nous nous y emploierons bientôt, en cherchant à restaurer ainsi, lors de la cinquième élection présidentielle de notre siècle, ce qui avait été la force originelle de la Ve République : un pouvoir légitime et capable d’action.
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