Gérard Larcher : « Qu’est-ce qu’une dissolution va apporter au pays ? »
Le président du Sénat, opposé à ce stade à une dissolution, appelle à « un accord de gouvernement » afin de préparer l’après-Bayrou. Mais sans le PS.
Gérard Larcher appelle les parlementaires à la « responsabilité », le 8 septembre.
Vous n’avez pas réagi à la décision de François Bayrou de demander un vote de confiance, lundi. Comment la comprenez-vous ?
On parle d’un mot, « confiance », qui fausse le questionnement. Le Premier ministre demande aux parlementaires s’ils partagent le constat d’un grave déficit du pays. La réponse est oui. Le Sénat le dit depuis des mois ! Deuxième question posée par le Premier ministre : la trajectoire de réduction de la dépense qu’il a située à 44 milliards, assez proche de celle du Sénat et des propositions que nous avons faites à François Bayrou le 7 juillet, est-elle indiscutable ? La réponse est oui. La discussion sur les mesures est une autre question. Bien sûr que ce projet de budget est perfectible, j’ai dit au Premier ministre que nous étions en désaccord avec un certain nombre de ses propositions. Elles ont vocation à être tranchées par le débat parlementaire. Au Sénat, en tout cas, nous continuons de préparer le budget. Nous pensons qu’il faut aller plus loin dans les baisses de dépenses publiques, dans la décentralisation, qu’il faut plafonner un certain nombre de dépenses sociales pour ceux de qui ne travaillent pas.
Le Premier ministre joue-t-il avec le feu ?
Il y a clairement un sujet de méthode : je ne pense pas que le vote demandé était l’outil le plus adapté. Engager la responsabilité du gouvernement sur un diagnostic est étonnant. J’aurais préféré qu’on laisse le débat sur le budget se faire comme prévu au Parlement.
Peut-il encore échapper à la chute ?
Ça ne se présente pas sous les meilleurs auspices… mais je suis un météorologue prudent. À mes collègues députés, je dis attention, réfléchissez bien, faites preuve de responsabilité. Le sujet n’est pas de « se payer » François Bayrou ; il s’agit de l’intérêt de la France. Les Français nous demandent de nous préoccuper du pays, pas d’avoir des approches politiciennes. Si j’étais député LR, je voterais oui à la déclaration de politique générale.
Pourtant un certain nombre de députés LR veulent voter contre…
J’entends ce qui se passe dans le pays et dans leurs circonscriptions. Les Français n’ont pas pris la mesure de la gravité de la situation, mais c’est notre faute. Nous n’avons pas été suffisamment pédagogues. Changer de Premier ministre ne réglerait aucun problème. La question de la dette, des déficits de la dépense publique restera posée, comme les mesures à prendre pour engager le retour à l’équilibre de nos finances publiques. Ne nous trompons pas sur le sens du vote du 8 septembre.
François Bayrou a-t-il suffisamment négocié ?
Le Premier ministre a pris sa décision dans une forme solitude ; il n’a prévenu personne. Pas plus moi que la présidente de l’Assemblée nationale, ni ses ministres. On ne peut pas dire qu’il nous a associés à sa décision. Nous étions convenus de nous revoir à la rentrée… C’est pour cela que j’appelle cela une méthode sans préparation.
Que doit faire le président ?
Attendons le vote du 8. Le président de la République devra, en fonction des résultats, nommer rapidement un nouveau Premier ministre car il y a une contrainte constitutionnelle : il faudra déposer un budget au plus tard le 15 octobre, avant qu’il ne soit voté au plus tard le 31 décembre. Raison pour laquelle au Sénat nous poursuivons nos travaux budgétaires.
Et s’il vous appelle pour Matignon, que dites-vous ?
Je suis président du Sénat, le seul pôle de stabilité institutionnelle aujourd’hui, et je compte le rester. C’est le seul endroit où il y a une majorité, une stabilité pour préparer un budget et faire passer des textes. Ma responsabilité est particulière et je l’accomplirai ici au Sénat. Et entre le président et moi, je ne suis pas sûr que ça « matcherait », mais ça, c’est autre chose !
Les LR doivent-ils rester au gouvernement ?
Il n’y a pas d’automaticité à la participation des LR à un gouvernement. Moi qui anime ici au Sénat le « socle commun », je sais que nous pouvons travailler ensemble sur une base claire. Il faudra débattre au préalable d’un accord de gouvernement : sur la question budgétaire, la question régalienne et d’organisation de l’État et de décentralisation…
Cet accord devrait-il aller du PS aux LR ?
C’est là où j’ai une divergence avec Édouard Philippe. Non, on ne peut pas avoir d’accord de gouvernement avec le PS… Le PS qui veut abroger la réforme des retraites, le PS qui veut taxer plus et dépenser plus : ce n’est pas le PS qui peut entrer dans une coalition avec nous ! Nous avons besoin de clarté.
De plus en plus de voix, dont Nicolas Sarkozy dans « le Figaro », appellent à une dissolution. Et vous ?
Qu’est-ce qu’une dissolution va apporter au pays si elle ne dégage toujours pas de majorité ? Je n’en vois pas l’intérêt. La dissolution ratée de juin 2024 n’a rien clarifié ; elle a rendu plus complexe encore la vie politique française. C’est une mauvaise décision qu’on paie toujours aujourd’hui. La clarification viendra en 2027 avec l’élection présidentielle.
Vous craignez qu’une dissolution n’apporte une potentielle victoire du RN ?
Si je regarde les sondages, même si je ne suis pas devin, le RN serait plus conforté qu’affaibli par la dissolution. Ne recommençons pas deux fois les mêmes erreurs. Si d’aventure la situation devenait intenable, alors la question de la dissolution se reposerait.
Faut-il une présidentielle anticipée ?
Je suis trop respectueux des institutions ; je ne veux pas les fragiliser. C’est au président de la République de décider s’il va au bout de son mandat ou s’il décide de le remettre en jeu, ça lui appartient. S’il y a une crise politique, c’est au président de trouver la solution.
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