Gérard Larcher écrit à Marianne : « Ceux qui te maltraitent ne doivent pas passer »
«Regarde nos enfants…» : dans ce courrier écrit pour « Le Figaro», le président Les Républicains du Sénat dresse un portrait de la France, avec ses fragilités, ses menaces et ses valeurs comme signaux d’espérance.
hère Marianne, Je t’ai sentie triste et éperdue lors de notre dernière rencontre, et peut-être n’ai-je pas su trouver les mots pour répondre à ce qui t’afflige. Une certaine distance s’est installée entre nous, et j’en éprouve de la peine. Je souhaite, par cette lettre, tenter de me rapprocher de toi et surtout remédier à ton affliction.
Bien sûr, je partage tes inquiétudes. La guerre, que notre génération croyait avoir éloignée du sol européen, est de retour, avec des menaces qui portent jusqu’à nous. Nous n’y sommes plus préparés. Il n’est pas jusqu’à notre Union européenne, notre horizon, l’œuvre de notre génération, qui ne se craquelle sous les coups du populisme, d’intérêts de court terme, d’une bureaucratie et d’un empilement de normes qui nous corsètent : nous avons construit l’Europe, toi et moi, pour être libres. Notre credo, c’était la liberté des personnes, la liberté économique, ainsi que notre protection collective, pas d’être ouvert à tous les vents et entravé de l’intérieur par des règles que nous sommes les seuls à nous imposer et qui nous paralysent progressivement.
Et que dire de notre pays? Il ne se porte pas bien. Son unité est fissurée, ses moyens obérés pour des années, du fait d’une fuite en avant face à l’endettement accentué après le Covid, ses services publics autrefois enviés et aujourd’hui affaiblis, les blessures causées par le terrorisme islamiste toujours béantes, trop de ses gouvernants sans boussole. Le « en même temps» n’a pas été le bon remède. Quant au débat que l’on entend dans certaines enceintes ou à la télévision, il a de quoi écœurer, tant les idées ont trop souvent cédé la place à l’invective et l’insulte.
La question qui te hante, je le sais, est aussi la mienne : quel sera notre héritage ? Qu’allons-nous léguer à nos enfants et aux générations qui suivent ?
Si ce tableau sombre est exact, il n’est pas toute la réalité et je demeure optimiste. Pensons à notre enfance et aux conditions difficiles de l’après-guerre, et nous aurons la conviction que nous n’avons pas tout à fait démérité dans le destin que nous avons offert à nos propres enfants, même si nous ne sommes pas exempts de reproches.
Regarde nos enfants et petits-enfants, et tu retrouveras en eux une part de notre jeunesse. Ils sont plus soucieux de l’environnement, ils sont férus de nouvelles technologies dont ils comprennent bien mieux les potentialités, ils aspirent à une vie meilleure, et ils ont évidemment raison ! Tu peux être fière du talent de tes enfants, de leur esprit d’initiative et d’entreprise, de leurs savoir-faire aux quatre coins de notre pays et du monde, fruits d’une éducation exigeante qui est la clé du succès. Ils te doivent beaucoup, même s’ils peinent à le reconnaître, comme nous à leur âge à l’égard de nos parents. La relève est assurée !
Notre responsabilité est de leur montrer que tout ce que nous avons su préserver du passé, ou ce pour quoi nous nous sommes battus, demeure fragile, alors qu’ils le croient à jamais acquis. Tu as lutté, Marianne, pour devenir une femme indépendante, libre de ses choix et de son corps. Ta morale n’est pas celle qui dissimule la beauté au travers d’une idéologie, jusqu’à occulter tes traits hérités de la charité romaine.
Tu as élevé tes enfants dans le culte de l’égalité, de la solidarité et de la tolérance, qui n’ont de sens que dans une forme de discipline commune : nous l’avons nommée au fil du temps laïcité, intégration, République. Elles sont trop souvent bafouées. L’égalité impose à tous de s’y conformer.
Tu as su jusqu’à présent te préserver de ceux qui abusent de ton nom ou l’invoquent à tout bout de champ. Ton patriotisme authentique, doublé d’un esprit frondeur, demeure rétif au discours brandi en bandoulière d’une autorité qui tiendrait lieu de seul programme, bien que tu trouves, et tu as raison, que l’on abuse souvent de ta générosité. De même, je te sais résolue face à ceux qui veulent t’entraîner vers ce que tu n’es pas, et qui racontent sur toi n’importe quoi ou sont prêts à tout justifier, y compris la violence, l’antisémitisme, la haine sociale. Ceux-là qui te maltraitent ne doivent pas passer. J’ai confiance en toi pour reconnaître les femmes et les hommes de bonne volonté.
Tourne-toi vers le monde, et regarde combien notre pays, que nos parents après génération, est toujours observé, envié, désiré, parce que la France incarne, à son corps défendant parfois, une forme d’universalisme. Bien sûr, cet universalisme est caricaturé et décrié par ceux qui n’aiment pas la France, sa culture, ou qui veulent lui faire renier son histoire en lui imposant des cures de repentance à sens unique. Toi et moi, nous avons appris, avec l’expérience de la vie, que la France n’est influente et rayonnante que lorsqu’elle ne doute pas d’elle-même. Elle doit penser d’abord à ceux, très nombreux, qui espèrent en elle.
Marianne, tu as triomphé de bien des épreuves au cours de ton existence et ton visage porte les marques du temps. Mais ton expression est celle de l’espoir et de la liberté, car tu es forte et aspires au bonheur. Le bonheur, un temps une idée neuve en Europe, pensée en France et en français ! Le bonheur n’a pas d’âge.
Pardonne-moi ce trop long propos. En le relisant, je me rends compte que j’aurais pu t’écrire simplement ces quelques mots : Marianne, chère Marianne, je t’aime.
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