Gérard Larcher : « Bruno Retailleau a fait naître un nouvel espoir qu’il s’agit maintenant de transformer »
Pour le président du Sénat, le nouveau patron de LR doit rester au gouvernement. Il dévoile aussi les pistes de réflexion de la chambre haute pour parvenir à dégager 40 milliards d’euros d’économie : « Aucune dépense n’est sacrée ».
Alors que le président du Sénat a demandé appelle à une « révolution de méthode » dans la préparation du budget, il juge nécessaire de tout examiner : nombre d’agents dans la fonction publique, efficacité des niches fiscales, réflexion sur un gel budgétaire et même sur les transports sanitaires.
Bruno Retailleau vient d’être élu président des Républicains. Qu’est-ce que cela dit du parti ?
Par leur vote, les adhérents ont exprimé un désir de renouveau. L’élection de Bruno Retailleau est également le choix d’une ligne politique qu’il a clairement exprimée pendant la campagne. Il a fait naître un nouvel espoir qu’il s’agit maintenant de transformer. J’ai travaillé plus de 10 ans avec lui au Sénat, je sais qu’il en a la capacité, la volonté et la détermination. Bruno sait qu’il ne peut y avoir de victoire politique sans un projet alternatif, clair et sérieux. Grâce à lui, notre parti retrouve la confiance de ses militants pour redevenir un parti de gouvernement. Il engagera je pense rapidement la reconstruction idéologique du parti, afin que la droite, sur le socle des valeurs qui la constitue, retrouve la place qui lui revient, première étape pour aborder les prochaines échéances politiques.
Doit-il rester ministre de l’Intérieur ?
Oui, tant qu’il pourra agir en responsabilité pour le pays. C’est dans l’action que sa personnalité s’est affirmée. C’est par la sincérité de son discours qu’il a réussi à convaincre. Et, il a obtenu des résultats concrets. Il est l’initiateur de la commission d’enquête à l’origine de la loi sur le narcotrafic qui a été votée au Parlement et qui va permettre de livrer un combat sans merci aux narcotrafiquants. L’absence de majorité à l’Assemblée nationale est un frein considérable à la mise en place d’une politique efficace, on le constate dans un certain nombre de domaines et notamment en matière d’immigration. Mais, pourquoi quitterait-il le gouvernement alors qu’une majorité de Français plébiscite son action ? Si demain la politique menée par ce gouvernement ne lui permettait plus d’agir ou heurtait ses convictions, alors il lui appartiendrait de décider.
Laurent Wauquiez peut-il rester président de groupe à l’Assemblée ? Mais sur quelle ligne, celle d’indépendance au gouvernement ?
Laurent Wauquiez a été légitimement élu par ses pairs, il doit donc rester président du groupe. Les adhérents du parti ont choisi une ligne politique avec l’élection de Bruno Retailleau. C’est l’expression de la démocratie, même s’il peut y avoir des sensibilités différentes qui s’expriment dans le respect du choix des adhérents. Le nouveau président a proposé une démocratie interne vivante, ou les militants seront consultés sur les décisions majeures. Chacun pourra s’exprimer.
Doit-il être le vice-président de Bruno Retailleau comme il l’avait lui-même proposé en cas de victoire ?
Bruno Retailleau choisira librement son équipe dirigeante.
Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez peuvent-ils réussir à travailler ensemble ? Vu le niveau de tension dans la campagne ?
Il le faut. La démocratie a parlé, elle doit être respectée et nous devons nous rassembler. Nous avons payé trop cher le prix de la division par le passé. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour maintenir la cohésion de notre famille politique.
Quelle place occuperez-vous à LR ?
Je veux être utile, à la place qui est la mienne, à mon pays et à ma famille politique.
Bruno Retailleau dit explicitement dans un courrier envoyé aux militants qu’il n’y aura pas d’accord d’appareil entre LR et d’autres formations politiques. Et pourtant dans les Yvelines, vous travaillez à un tel accord pour les municipales avec la présidente de l’Assemblée. Quelle sera la règle ?
L’élection municipale est une élection particulière, de proximité, autour d’enjeux locaux où la personnalité du maire sortant ou du candidat joue un rôle considérable dans le choix des électeurs. C’est le contraire des accords d’appareils. À l’exception des très grandes agglomérations où les partis peuvent influer, dans 90 % des communes les listes se construisent « à la locale ». Ce n’est pas nouveau, cela a toujours fonctionné ainsi. J’ai été maire cinq mandats, j’ai toujours composé la liste dans la diversité, en cohérence avec le projet que je proposais aux citoyens. Ce projet ne peut être cohérent que s’il est partagé par l’équipe. Mais nous n’avons pas la même conception de la gestion municipale que la gauche ou l’extrême droite ! Par-delà il faut aussi dialoguer entre formations politiques de la droite et du centre qui ont vocation à gouverner, c’est ce que nous faisons au Sénat.
Les LR peuvent-ils rester au sein du gouvernement ? Jusqu’à quand ?
Les LR resteront au gouvernement tant qu’ils seront utiles au pays et tant que seront respectés le cadre et les limites qui ont été fixés. Je rappelle que la participation était une décision collective, en responsabilité, pour ne pas avoir un Premier ministre de gauche et permettre à la France de se doter d’un budget. J’assume ma part dans cette décision.
Laurent Wauquiez craint une alliance avec Edouard Philippe pour 2027. Pensez-vous qu’il puisse en effet être le candidat de la droite ?
Nous sommes dans une phase de reconstruction des Républicains. Comment parler d’incarnation alors que nous n’avons pas encore débuté le commencement d’un projet à proposer aux Français ? Comme le dit très justement Bruno Retailleau : « colline après colline » … Mais, nous devons empêcher l’extrême gauche ou l’extrême droite de gouverner la France. Nous devons reconquérir le pouvoir sur nos propres valeurs, avec notre projet alternatif et les Français décideront.
Le Sénat travaille sur le budget pour réduire le déficit de 5,4 % à 4,6 % du PIB et les 40 milliards d’économies à trouver. Comment procédez-vous ? Avec quel calendrier ?
La situation financière du pays est très détériorée, avec le déficit le plus élevé de la zone euro et une dette écrasante de 3 300 milliards d’euros. Si nous ne réagissons pas, nous allons être étouffés par la charge des intérêts qui pourrait bientôt atteindre 100 milliards d’euros par an ! Cela signifierait que nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre pour renforcer la défense, préparer l’avenir ou financer les solidarités sociales et territoriales.
Les déséquilibres financiers du pays viennent principalement du fait que nous dépensons trop, nous ne travaillons et ne produisons pas assez. J’ai donc réuni, en accord avec les présidents de groupe du « socle commun », mercredi dernier, avec les rapporteurs généraux du Budget et de la Sécurité sociale, l’ensemble des rapporteurs du socle commun en leur demandant d’identifier des économies dans tous les domaines de l’action publique pour ramener le déficit à 4,6 % l’an prochain. Aucune dépense n’est sacrée. Seule l’efficacité compte ! Nous arbitrerons et fournirons nos propositions à l’exécutif d’ici l’été.
Bâtir le budget 2026 ne sera pas facile mais je pense la difficulté surmontable. Nos voisins européens y sont bien arrivés. Il faut tout explorer, examiner chaque poste de dépense, leur efficacité : du poids des normes où nous excellons, au fonctionnement de notre système de santé (examens redondants, transports sanitaires…), en passant par le nombre des agents des trois fonctions publiques et des opérateurs et agences de l’État. Rien ne doit être tabou à l’exception de la Défense qui doit être renforcée.
Le gel budgétaire fait partie des pistes à explorer dans tous les domaines y compris social. La réduction de l’inflation le rend possible. Il faut donc engager une forme de « révolution de méthode » dans la préparation des budgets.
Faut-il aller vers une TVA sociale ?
Les questions de la compétitivité de nos entreprises, du montant du salaire net, donc du poids des charges qui pèsent sur elles et les salariés, sont essentielles pour notre production, nos exportations et le pouvoir d’achat. Donc la TVA est là aussi à questionner. Il n’y a pas d’impôt magique. Il faut engager une approche globale de notre fiscalité ou nous sommes là encore « les champions ». Mais si on ne se pose pas la question de la dépense publique qui est supérieure de 16 % par rapport à la moyenne européenne alors on n’engagera rien de sérieux.
Faut-il toucher au crédit d’impôt recherche, qui coûte 7,5 milliards par an ?
Dans le contexte actuel, il ne faut s’interdire aucune réflexion, y compris sur les niches fiscales dont le coût dépasse 80 milliards d’euros. Le crédit d’impôt recherche est la première d’entre elles. Son utilité a été démontrée. Il a été introduit en Allemagne il y a cinq ans. Nos entreprises sont aux avant-postes de l’innovation dans de nombreux secteurs. Mais nous devons également vérifier que toutes les composantes de ce dispositif créé en 1983 par Jacques Delors sont pleinement efficaces. Il y a peut-être des rationalisations à opérer.
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