Bruno Retailleau : « Nos sociétés cultivent la haine de soi »
En déplacement à Lille ce jeudi dans le cadre de son « tour de France » des militants, le président des Républicains et ancien ministre de l’Intérieur tente de reprendre la main, après des semaines brouillonnes à droite. Entre lutte contre l’islamisme, réforme du travail et bataille culturelle, Bruno Retailleau trace sa ligne.
Nous commémorons ce jeudi les dix ans des attentats du 13 novembre 2015. Comment l’ancien ministre de l’Intérieur évalue aujourd’hui la menace terroriste en France ?
La France est toujours menacée. Depuis Toulouse (Mohammed Merah en 2012), 80 attentats ont été déjoués et une cinquantaine perpétrée. Hier, la menace venait principalement de l’extérieur, de l’État islamique. Aujourd’hui, elle est endogène, portée par des individus de plus en plus jeunes. Depuis 2023, 70 % des auteurs d’attentats déjoués ont moins de 21 ans. Leur radicalisation via les réseaux sociaux rend le travail de nos services beaucoup plus compliqué.
Vous faites un lien avec l’« ensauvagement » de la société, et de la jeunesse en particulier, que vous dénoncez ?
Cette hyperviolence du terrorisme islamiste se nourrit d’un ensauvagement. Nos sociétés de consommation ont créé un grand vide dans les esprits et les cœurs où le totalitarisme islamique prospère. Hannah Arendt disait : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal ». Nos sociétés occidentales cultivent la haine de soi. Mais en doutant d’elles-mêmes, elles encouragent la haine des autres.
Quelles réponses face à cette menace ?
Les réponses ne peuvent pas être seulement judiciaires et sécuritaires. Elles concernent nos défenses immunitaires. Les terroristes visent la France pour ses valeurs : notre art de vivre au Bataclan, la fête nationale à Nice, nos racines judéo-chrétiennes. La résistance passe par l’école et par la lutte contre l’entrisme des frères musulmans.
Vous vous êtes engagé depuis la semaine dernière dans un « tour de France » pour « reconnecter la politique au terrain ». Vous serez à Lille ce jeudi. Que proposez-vous concrètement ?
Je veux répondre à une double angoisse : l’appauvrissement économique et la dépossession culturelle. Je réfléchis à un « seuil zéro cotisation » pour rapprocher le brut du net. Au-delà de 1 623 heures travaillées, il n’y aurait plus de cotisations ni pour l’entreprise ni pour le salarié. C’est une reformulation du « travailler plus pour gagner plus » qui réconcilie pouvoir d’achat et compétitivité. Je propose aussi un compte social regroupant toutes les allocations, plafonnées à 70 % du SMIC, pour décourager l’assistanat.
Et sur la « dépossession culturelle » ?
Quand le Conseil supérieur de l’éducation propose la suppression des vacances de Noël au profit de « vacances d’hiver » (une proposition rejetée par le ministère de l’Éducation), c’est un déni flagrant de ce que nous sommes. Les Français sont attachés à leur calendrier, à leurs grandes fêtes. Il y a là une dimension culturelle, pas cultuelle.
Depuis votre sortie du gouvernement , il est difficile de saisir quel chemin souhaite emprunter la droite républicaine. D’autant plus à l’observation de la « guéguerre » entre députés et sénateurs.
Aujourd’hui, il faut avoir le cœur bien accroché pour croire en la vie politique. Tout est confus, c’est vrai. On le voit avec un Premier ministre se réclamant plutôt de droite qui mène un hold-up fiscal décidé par le PS. La politique décourage parce qu’elle s’écarte des convictions. Le grand moment d’explication, ce sera 2027. Je veux que LR ait une ligne claire, cohérente. Notre projet, c’est que le travail paie, une école méritocratique, le retour de l’autorité dans la rue et à nos frontières. J’assume de dire que l’immigration n’est pas une chance aujourd’hui. Sur le budget, notre groupe à l’Assemblée s’oppose méthodiquement aux augmentations d’impôts, alors que le Rassemblement national a voté 34 milliards d’euros d’impôts en 24 heures ! Et de ce point de vue là, le Sénat confortera le travail des députés. Certes, il y a pu y avoir des analyses divergentes sur la dissolution ou la censure, mais vous verrez que sur les discussions budgétaires, les positions sont beaucoup plus convergentes qu’on ne le pense.
Xavier Bertrand vous a demandé d’éclaircir la ligne LR : « Peut-il dire comme moi ni La France insoumise ni RN ? »
Ce choix a été fait lorsqu’Éric Ciotti a rallié Marine Le Pen et que l’immense majorité des cadres et adhérents sont restés chez LR. Je ne crois pas à l’union des droites par les appareils, mais je veux parler à tous les électeurs, y compris ceux du RN. Depuis quarante ans, la gauche a diabolisé la droite dès qu’elle parlait d’immigration ou de sécurité. Résultat : elle a offert ces thèmes à l’extrême droite. Je veux les reprendre, sereinement, sans outrance.
Les sondages pour 2027 vous relèguent loin du RN…
Dix-huit mois avant 2012, François Hollande était à 3 %. La France ne penche pas à gauche, elle penche à droite. Nous avons les bonnes réponses. On arrive au bout du cycle macronien. La période ouvre tous les possibles.
Votre « tour de France » ouvre-t-elle la voie à une candidature à la présidentielle ?
Ce n’est pas la question du moment. D’abord écouter, comprendre, bâtir un projet. Puis il y aura un processus de désignation. Un comité des sages déterminera une méthode et ce sera aux adhérents de trancher. Primaire ouverte, fermée ou champion des sondages… Ils décideront en début d’année pour avoir un candidat avant l’été.
Vers quelle formule va votre préférence ?
Il est possible d’imaginer une primaire fermée suivie d’une primaire ouverte, pour sortir de la première étape avec une personnalité forte et éviter que plusieurs candidats LR ne se neutralisent lors de la seconde étape.
Laurent Wauquiez plaide pour une primaire ouverte « de Sarah Knafo (Reconquête) à Gérald Darmanin ».
On le voit, le périmètre d’une primaire ouverte peut poser problème. Le grand principe d’une primaire, c’est que les perdants acceptent de soutenir le gagnant. Vous imaginez Darmanin soutenant Knafo ?
>> Lire l’interview sur LaVoixduNord.fr
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