Budget de la Sécurité sociale : le diagnostic du docteur Neuder
L’ancien ministre de la Santé, redevenu député, critique un budget de la Sécurité sociale « sans cap ni cohérence ». Pour Yannick Neuder, la santé publique ne peut plus être gérée « à la petite semaine » : il appelle à une vraie stratégie d’investissement et à un sursaut de vision.
Le gouvernement veut ramener le déficit de la Sécu à 17,5 milliards d’euros. Le plan vous paraît-il crédible ?
Ça me paraît difficile. On examine chaque mesure isolément – franchises médicales, affections de longue durée, fiscalité – sans jamais poser la question essentielle : quelle santé voulons-nous pour les Français ? Ce budget est devenu un simple exercice comptable, pas une politique. Or les dépenses de santé augmenteront inévitablement avec le vieillissement et la progression des maladies chroniques. Prétendre le contraire, c’est mentir. Je ne renierai pas mes convictions : ce texte ne peut pas rester en l’état, sans cap ni cohérence. On ne peut pas faire peser le coût de la suspension de la réforme des retraites sur le dos de la santé des Français.
Le gouvernement assume des « efforts nécessaires ». Vous les jugez excessifs ?
Ce que je trouve dangereux, c’est la contorsion politique permanente : on veut afficher de la rigueur sans repenser le modèle. On fait croire qu’en travaillant moins et en taxant plus, on va sauver la Sécu. Or, sans compétitivité ni croissance, il n’y aura pas de recettes nouvelles pour financer la santé. Moi, je plaide pour une trajectoire pluriannuelle. L’Allemagne investit environ 450 euros par habitant dans la prévention ; nous sommes à 187 euros. Il faut mettre de l’argent sur la vaccination, le dépistage des cancers, la santé cardiovasculaire. Ces dépenses-là sont des investissements. A force de gérer la santé sur une année N, on s’interdit toute stratégie durable.
Faut-il remettre en cause la gratuité du système ?
La santé n’a pas de prix, mais elle a un coût. Le tout-gratuit a fini par déresponsabiliser les Français : on ne sait plus ce que vaut une consultation, un médicament ou une hospitalisation. Je ne suis pas opposé à une participation, mais attention : remettre en cause l’universalité du système, c’est s’attaquer à l’ADN même de la Sécurité sociale. D’autant que ce budget prévoit déjà de taxer davantage les salariés modestes, d’alourdir le coût des mutuelles et de restreindre les marges de manœuvre des hôpitaux. Résultat moins d’investissement, moins d’innovation et, inévitablement, un accès aux soins qui se dégrade.
Craignez-vous une médecine à deux vitesses ?
On voudrait le faire qu’on ne s’y prendrait pas mieux. Certains actes médicaux n’ont pas été revalorisés depuis vingt ans. Des libéraux envisagent de se déconventionner. Si on continue, on aura une médecine privée pour ceux qui peuvent payer et une médecine low cost pour les autres. C’est exactement ce que je veux éviter. C’est pour cela que j’ai décidé de quitter le gouvernement. Parce qu’il n’y avait pas de vision. Je suis médecin depuis vingt-cinq ans : je ne pouvais pas cautionner une politique de rabotage budgétaire. J’aurais voulu une vraie trajectoire pluriannuelle d’investissement sur la prévention, les déserts médicaux, la formation. Rien de tout cela n’était possible dans le cadre imposé.
Qu’avez-vous malgré tout réussi à faire au ministère ?
Nous avons lancé un pacte contre les déserts médicaux : mobilisation des « médecins solidaires », retour des docteurs juniors dans les territoires, suppression du numerus apertus pour former davantage d’étudiants français. J’ai voulu que la France reprenne le contrôle de sa formation médicale : il n’est pas normal que des milliers d’étudiants partent se former en Roumanie ou en Espagne pendant qu’on manque de médecins ici.
Certains de vos collègues LR sont restés au gouvernement malgré la ligne du parti. Quelle est votre position ?
Je ne juge personne. Si mes collègues pensent pouvoir agir utilement, tant mieux. Mais chacun doit assumer ses choix : il y a la ligne du parti, et il y a la responsabilité individuelle. Moi, je n’avais plus les leviers pour mener la politique de santé que je voulais.
Concernant Les Républicains, comment le parti peut-il se reconstruire après cette séquence aussi confuse que douloureuse ?
Le vrai danger pour 2027, c’est une confrontation au deuxième tour entre les extrêmes. Je ne crois pas que la France puisse se confier à ceux qui l’amèneraient à sa perte. Notre responsabilité est donc d’offrir une alternative crédible, pas trois candidatures à 5%.
Faut-il une primaire à droite ?
Il est encore trop tôt, mais pourquoi pas si elle est bien préparée. Mais il faut du temps, un projet, des compromis programmatiques. Une coalition, ça se construit, ça ne s’improvise pas. Commençons par les municipales : nous devons montrer que la droite a encore un ancrage local solide, c’est la première pierre pour 2027.
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