François-Xavier Bellamy et Céline Imart : « Erasmus, nouveau laboratoire de la naïveté européenne »
En étendant le dispositif Erasmus+ à l’Algérie, pays qui retient pourtant arbitrairement les deux Français Boualem Sansal et Christophe Gleizes, l’Union européenne révèle son arrogance technocratique et s’efface en croyant se renforcer, analysent les deux eurodéputés LR.
L’Europe est faite de décisions qui, en apparence, n’ont l’air de rien. Elles s’annoncent dans un communiqué, se glissent dans une note diplomatique et, pourtant, elles disent davantage que les discours qui prétendent les expliquer. L’annonce faite par la vice-présidente de la Commission, Kaja Kallas (Renew), le 16 octobre dernier, d’étendre Erasmus+ à l’Algérie, à la Syrie, à la Libye, aux territoires palestiniens, dans le cadre d’un « pacte pour la Méditerranée », en est l’illustration la plus aboutie. Erasmus+ est l’un des rares succès incontestés de l’Union, une promesse tenue, un symbole de confiance.
Que pourrait-on bien faire pour en saper les fondements? Sans débat public, sans mandat politique clair, sans la moindre préoccupation pour les réalités politiques et institutionnelles des pays concernés, au nom d’un idéal abstrait, la vice-présidente a une idée lumineuse diluer Erasmus+ dans un projet bien plus vaste de pacte, qui entend notamment donner vie à un « espace méditerranéen commun », avec la création d’une Université méditerranéenne dotée de campus partagés, une intensification de la mobilité académique et une délivrance facilitée de visas. Il ne s’agit plus de simples échanges ponctuels, mais d’une véritable intégration de régimes dont les seules garanties de stabilité concernent la censure et la répression, bien suffisantes pour se voir récompensées d’un statut de partenaire académique protégé de l’Europe.
Erasmus+ reposant sur la liberté d’apprendre, l’échange et le débat démocratique, qui seraient les heureux élus de cette main tendue dans la logique de la cohérence bruxelloise ? L’Algérie, bien sûr ! qui emprisonne arbitrairement deux Français, l’écrivain Boualem Sansal et le journaliste Christophe Gleizes, pour avoir osé exercer ce droit fondamental. Ce mélange de naïveté et d’arrogance technocratique révèle une fascination absolue de l’UE pour le « soft power inversé », l’idée que l’Europe se renforce en s’effaçant et qu’elle convainc en se rendant vulnérable. La Commission préfère construire un partenariat éducatif avec la Syrie, devenue un État failli aux mains d’un ancien combattant djihadiste, mais annule son partenariat avec les universités hongroises, au nom de l’État de droit ! Puisque la Commission assure systématiquement qu’il y aura des garanties suffisantes pour mener à bien ce projet et diffuser les valeurs de l’UE, nous pouvons dormir sur nos deux oreilles.
Rappelez-vous du cas de l’université de Gaziantep, en Turquie, pays déjà associé à Erasmus+, dont le recteur a rendu hommage au Hamas, organisation que l’UE classe pourtant comme terroriste. Les financements ont été suspendus grâce à notre vigilance. La mise en œuvre du programme repose dans chaque pays associé à Erasmus+ sur une agence nationale, sans supervision directe de la Commission. Que présager d’une extension à des régimes non associés et instables ? Doutant du niveau optimal de sécurité que les geôliers de nos deux concitoyens français réserveraient à nos étudiants et universitaires et de la volonté de nos jeunes d’assurer un semestre à Gaza ou Damas, il faut en réalité croire qu’Erasmus ne sera plus un échange, mais une « ouverture académique » réservée aux mobilités entrantes. La Commission a en effet assumé que l’un des objectifs du pacte est de faciliter la délivrance des visas et d’ouvrir des voies légales pour répondre aux besoins de main-d’œuvre.
Forte du constat du chaos diplomatique qui existe entre Paris et Alger en matière de coopération migratoire, Alger n’acceptant de récupérer ses ressortissants en situation irrégulière en France depuis plusieurs mois, la Commission instaure donc un mécanisme de contournement migratoire, pensé pour être indiscutable et indolore, car enveloppé dans le papier cadeau Erasmus. Mais l’aveuglement idéologique ne s’arrête jamais à la frontière du principe, il exige toujours un budget ! Et, là encore, il est implacable, avec un rehaussement de 21 milliards d’euros du budget de la Commission destiné à la coopération avec les pays du sud de la Méditerranée, tandis qu’elle propose dans le même temps une diminution drastique de la PAC pour la France à hauteur de 25%.
Une Europe qui traque au centime près les aides agricoles et exige de nos agriculteurs qu’ils justifient jusqu’à la moindre goutte d’eau utilisée, tout en coopérant sans garanties avec des régimes hostiles à la France, c’est une Europe qui se trompe de loyauté. La morale budgétaire a son propre sens de la géographie… Nous avons déposé une question écrite à la Commission pour nous opposer à cette extension d’Erasmus+, car l’ouverture ne peut jamais signifier l’abandon du discernement. Nous lançons une pétition européenne, car la Commission ne changera pas de cap d’elle-même : elle ne reculera que lorsqu’une pression claire s’exercera, celle des Français et de tous les citoyens européens. Nous comptons sur vous pour nous rejoindre dans ce combat.
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