Mathieu Darnaud : « Le budget est l’affaire de tous, parlementaires et gouvernement ! »
L’élu ardéchois, successeur de Bruno Retailleau à son poste, estime qu’il est encore trop tôt pour parler d’alliances électorales entre la droite et le bloc central.
Depuis sa large victoire face à Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau réorganise la direction des Républicains. La tambouille interne du parti va-t-elle empiéter sur ses missions au ministère de l’Intérieur ?
Je ne le pense pas. Son message devant notre bureau politique mercredi a été clair : Bruno Retailleau entend recréer l’unité au sein de notre camp, tout en menant sa tâche au ministère. En tant que chef de parti, il va s’atteler à préparer un programme pour l’avenir de la France. Ce travail des idées, que nous ferons tous au sein de LR, est indispensable. Notre famille a été marquée, on le sait, par de nombreuses divisions internes, et nous ne serons audibles que si nous agissons avec responsabilité.
Certains soutiens de Bruno Retailleau qui n’ont pas renoncé à leurs ambitions nationales, comme Xavier Bertrand, ont vite rappelé que les adhérents LR avaient élu un président de parti et non leur candidat à la prochaine présidentielle. Partagez-vous cet avis ?
L’échéance de 2027 devra faire émerger des propositions fortes qui feront de cette élection un socle référendaire pour le prochain président de la République. Le ou la candidate de notre camp devra défendre un projet clair et des mesures applicables rapidement, car l’instabilité actuelle nous empêche de mettre en oeuvre des réformes utiles pour le pays. Il faudra dépasser ce frein. Et Bruno Retailleau le répète lui-même : colline après colline. C’est seulement au prix de la remise en ordre et en marche du parti que nous pourrons désigner un candidat pour la présidentielle. D’ici là, il y a beaucoup d’étapes préalables, à commencer par les municipales.
Entre un RN qui ne donne aucun signe d’affaiblissement – malgré les déboires judiciaires de Marine Le Pen et un Jean-Luc Mélenchon toujours dominant à gauche, la droite et le bloc central ne doivent-ils pas, à terme, soutenir une candidature commune pour 2027 ?
Deux ans, c’est à la fois proche et lointain. Pour l’instant, LR s’inscrit dans une nouvelle dynamique, mais il faut savoir laisser du temps au temps. C’est à travers l’action concrète au gouvernement et le travail de nos parlementaires que nous offrirons aux Français une vision claire, réaliste et sincère des problématiques et surtout des solutions possibles. Le moment de savoir s’il faut une ou plusieurs candidatures au sein de ce qu’on appelle le « socle commun » viendra en son heure.
La proportionnelle favorise un régime des partis, éloigne les élus des citoyens et, surtout, engendre l’immobilisme.
Demain à Matignon, aux côtés de Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez, vous évoquerez avec François Bayrou le passage au mode de scrutin proportionnel pour les législatives. LR s’y oppose mais le Premier ministre a assuré qu’il irait jusqu’au bout. Qu’allez-vous lui dire ?
En tant que gaulliste, l’affaire me paraît claire, ce sera un grand non. Le scrutin uninominal à deux tours permet à une majorité de gouverner. L’instabilité politique actuelle serait bien pire, et durable, avec la proportionnelle. Elle favorise un régime des partis, éloigne les élus des citoyens et, surtout, engendre l’immobilisme. C’est un poison lent qui, en définitive, va entériner la tripartition, voire une atomisation de notre échiquier politique.
La proposition de loi légalisant le suicide assisté et l’euthanasie a été adoptée mardi par l’Assemblée. Quand sera-t-elle débattue au Sénat, et que fera la majorité, qui inclut LR et les centristes, plutôt favorables au texte ?
L’examen au Sénat devrait commencer à l’automne. Comme tout sujet qui touche à l’intime, j’imagine qu’il y aura au Sénat, comme à l’Assemblée, des clivages traversant les différents groupes politiques. Pour ma part, j’ai de réelles interrogations sur le texte. Mais attendons le résultat des auditions entamées en commission. Nous en débattrons largement au sein de notre groupe.
Au menu législatif, il y a aussi la révision du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, rejetée par la commission des lois du Sénat. Jusqu’où irez-vous pour bloquer ce texte, soutenu par Rachida Dati, candidate du bloc central et de LR dans la capitale ?
Je me suis exprimé clairement et j’en ai parlé avec celles et ceux qui sont concernés dans ces trois villes. Il ne s’agit pas, rappelons-le, d’un sujet strictement parisien. Cette proposition de loi veut traiter à l’identique trois communes avec des statuts très différents et son adoption entraînerait une complexité qui perturberait les citoyens. On est loin d’une simplification du vote ! À Lyon, il y aurait trois scrutins le même jour, des votes distincts. Par ailleurs, on aurait une prime majoritaire qui serait réduite de 50 à 25 %, ce qui est distinct des 35 000 autres communes de France, alors que ce texte ambitionne de tendre vers le droit commun.
Enfin, cette organisation kafkaïenne des trois scrutins ne traite pas suffisamment des modalités de mise en oeuvre ni du coût… Je ne suis pas opposé à une réflexion à terme sur l’uniformisation de la loi électorale, mais ce texte ne permet pas d’y répondre et aurait largement pu être mieux anticipé. Une sérieuse étude d’impact n’aurait pas été de trop. Introduire un changement de mode de scrutin moins d’un an avant l’échéance, cela relève d’une forme de défiance vis-à-vis des électeurs, et ce ressenti est partagé sur à peu près tous les bancs du Sénat.
Les municipales de mars prochain auront un impact direct sur les sénatoriales, également prévues en 2026. La droite ne doit-elle pas assumer des alliances locales avec Horizons, le MoDem et Renaissance ? Dans les Yvelines, terre d’élection de Gérard Larcher, président du Sénat, ce sera le cas dès le premier tour…
Je ne suis pas favorable aux accords d’appareil. Qu’il y ait des discussions localement, c’est souvent le cas, mais je plaide aussi pour que Les Républicains assument des positions qui soient les leurs pour les municipales. Avec le vote issu de la proposition du groupe DR [dénomination des députés LR] pour supprimer les zones à faible émission à l’Assemblée, nous démontrons à nouveau que notre famille entend et comprend la voix des territoires. Il y aura d’autres enjeux majeurs comme le logement, l’énergie, la sécurité ou le développement économique sur lesquels notre voix portera.
François Bayrou a expliqué qu’il s’attelait dès maintenant au budget 2026. Est-ce que vous le jugez apte, politiquement, à faire passer un budget aussi difficile ?
Le budget est l’affaire de tous, parlementaires et gouvernement ! Il faut aussi une réelle prise de conscience dans notre pays. Notre dette publique dépasse les 3. 300 milliards d’euros et le premier budget de la Nation, aujourd’hui, c’est le remboursement de cette dette. Ce n’est pas tenable. La classe politique, tous bords confondus, peut nourrir toutes les ambitions politiques, tous les projets, elle sera désormais dans l’incapacité chronique de les mettre en oeuvre faute de moyens. Freiner la dépense publique, réduire notre dette comme on a commencé à le faire début 2025, mais de façon insuffisante, est un impératif. C’est bien pour cela qu’avec le président du Sénat, Gérard Larcher, nous avons anticipé la préparation de ce budget, afin que nous puissions définir des orientations avant l’été.
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